Les résidents en EHPAD définissent, dans cette étude précieuse menée à Université de Californie – San Diego, leur vision changeante de la sagesse dans leurs derniers jours. Traditionnellement considérée comme le fruit d'une longue vie, de l'accumulation des expériences vécues et des leçons apprises, ici la sagesse est définie comme un trait complexe composé de plusieurs composants interdépendants, dont la compassion, la régulation émotionnelle, la spiritualité et la tolérance. Ces réflexions et ses témoignages, présentés dans la revue International Psychogeriatrics, qui se veulent positifs, présentent la fin de vie comme une perspective unique, un moment extrêmement difficile qui confronte à sa propre mortalité, et une « confluence » de l’apprentissage et de la résilience qui peut conduire à une plus grande sagesse.
Les chercheurs de l'école de médecine de San Diego se sont entretenus avec 21 patients âgés de 58 à 97 ans au cours des 6 derniers mois de leur vie et leur ont demandé de décrire leurs principales pensées et émotions, en particulier de décrire comment leurs maladies avaient changé ou influencé leur compréhension et leur vision de la sagesse. Dans cette étude, les participants, dont près de la moitié était atteints d’un cancer en phase terminale, ont été interviewés à domicile ou en établissements de santé par des professionnels de la santé mentale sur la base d’un questionnaire semi-structuré.
« Comment définissez-vous la sagesse ? » était la question principale autour de laquelle tournait l’entretien, mais les participants étaient également invités à décrire les expériences ayant influencé leur niveau de sagesse. Ainsi, les participants étaient invités à classer par ordre d’importance les composantes de la sagesse dont les comportements prosociaux, la prise de décision sociale, le contrôle émotionnel, l’ouverture à de nouvelles expériences, la reconnaissance de l'incertitude, la spiritualité, la réflexion sur soi-même, le sens de l'humour et la tolérance…Enfin, les participants pouvaient présenter ou de développer librement les sujets importants pour eux, à la fin de leur vie.
La maladie et la mort modifient considérablement la conception de la sagesse : ce n’est pas surprenant, écrivent les auteurs que ces événements graves et cette période extrêmement difficile aient modifié chez ces patients, leur conception de la sagesse : « Mon point de vue, ma vision de la vie, ma vision de tout a changé », a déclaré un participant. Ainsi, tous les participants incluent dans cette poursuite de la sagesse la recherche d'une acceptation ou d’une paix face à la maladie qui les atteint, particulièrement en termes de changements physiques et de perte de fonctionnement. « Ce n'était pas un abandon passif, mais plutôt un processus d'adaptation actif », explique l’un des auteurs, le Dr Lori P. Montross-Thomas, professeure au Département de médecine familiale et de santé publique.
Profiter « du temps qui reste » : « Ils appréciaient la vie, prenaient le temps de réfléchir, ressentaient un profond désir de profiter pleinement du temps et, ce faisant, trouvaient la beauté dans la vie de tous les jours ».
Une capacité remarquable et continue d’adaptation : une « bonification galvanisée » (« galvanized growth »), une capacité d’adaptation stimulée et forgée par la difficulté de vivre avec une maladie en phase terminale, une plus grande détermination, gratitude et positivité, la sagesse est ainsi décrite par ces patients comme une capacité continue d’adaptation entre l'acceptation active de leur maladie et le désir constant de s’améliorer en tant que personnes. « Il n'y a pas de solution statique, mais plutôt un effort constant pour trouver l'équilibre, la paix et la joie à la fin de la vie ».
« Je veux qu'ils se souviennent de moi avec un sourire, riant et gloussant et faisant ces choses stupides que nous faisons. Pourquoi voudrait-on partir sur une note triste, je ne veux pas qu'on se souvienne de moi comme une personne triste ».
Source: International Psychogeriatrics 24 Janvier 2018 DOI : 10.1017/S1041610217003039 Reflections on wisdom at the end of life: qualitative study of hospice patients aged 58–97 years