Même au tout début de son développement, le cerveau veille déjà sur le corps et le protège contre les défauts de croissance. Bref, le cerveau guide le corps dans son développement bien plus tôt qu’on ne le pensait, démontrent ces scientifiques de la Tufts (Boston) qui révèlent la précocité de l'interface cerveau-corps. Des travaux passionnants, menés sur la grenouille (!) et présentés dans la revue Nature Communications qui élargissent notre compréhension de la cognition et de la neuroplasticité humaines et font réfléchir à de meilleures façons d'aborder les anomalies congénitales, de traiter les blessures, voire de régénérer des organes déficients.
Pourquoi la grenouille ? Les grenouilles sont un modèle largement utilisé en recherche biomédicale parce qu'elles partagent de nombreux mécanismes et procédés biologiques fondamentaux avec les humains. Et, chez la grenouille du moins, le cerveau joue un rôle actif et essentiel bien plus tôt qu'on ne le pensait : ces scientifiques de l'Université Tufts montrent que bien avant le développement de la motricité ou d'autres comportements, le cerveau d'une grenouille embryonnaire influence le développement musculaire et nerveux et protège l'embryon contre les agents responsables de défauts de développement. Remarquablement, le cerveau effectue ces fonctions alors qu'il est lui-même encore en développement.
La découverte d’un interface cerveau-corps hyper-précoce : « On sait que le cerveau guide le comportement, mais ces données suggèrent que nous devons réviser notre vision du cerveau comme un organe quiescent avant l'activité autonome. Notre recherche montre que le cerveau est engagé longtemps avant ces comportements et avant même qu'il soit complètement développé.
Réparer les conséquences de lacunes cérébrales : Les scientifiques parviennent -toujours chez la grenouille- à inverser les défauts ou dysfonctionnements liés à l'absence de cerveau, par des manipulations qualifiées de « relativement simples ».
Pour examiner le rôle du cerveau pendant le développement précoce, les chercheurs ont privé de leurs cerveaux des embryons de grenouille quelques heures seulement après la fécondation des œufs, bien avant l’apparition d’une activité embryonnaire autonome. Les embryons sans cerveau présentent des dysfonctionnements dans 3 domaines principaux, soit,
- un développement anormal des muscles,
- un développement anormal système nerveux périphérique,
- une susceptibilité extrême lors de l’exposition à certains produits chimiques qui ne causent pas de malformations congénitales dans des embryons normaux : ces embryons sans cerveau ont développé des déformations sévères suggérant que le cerveau « normal » apporte un effet protecteur contre l'exposition à des agents qui, sinon, se comportent comme de puissants tératogènes.
Les chercheurs parviennent à éliminer plusieurs de ces défauts en administrant de la scopolamine, un médicament utilisé pour réguler la fonction neurale humaine, ou en injectant un ARN messager codant pour le canal ionique HCN2, qui module les signaux bioélectriques, entre autres sujets, chez les humains.
L’identification de ces canaux électriques et chimiques qui communiquent localement et à distance, via lesquels le cerveau exerce ces fonctions, suggère qu’il serait possible de réparer les dégâts sur des structures corporelles qui nécessitent une présence cérébrale ? Les recherches futures vont d’ailleurs porter sur le décodage de l'information spécifique envoyée à travers ces canaux de communication identifiés dans le cerveau.
La grande surprise de l’étude reste la découverte de la capacité du cerveau encore « en construction » à fournir de l'information et à protéger d’autres organes.
Source: Nature Communications doi:10.1038/s41467-017-00597-2 The brain is required for normal muscle and nerve patterning during early Xenopus development
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