Fallait-il une étude pour parvenir à cette conclusion ? Mais quand on est dément, on ne le sait pas, c’est pratiquement un postulat de la maladie. C’est quoi qu’il en soit, cette étude de la Johns Hopkins Médecine, au-delà de constater que la majorité des personnes âgées atteintes de démence ne le savent probablement pas, identifie les principaux facteurs aggravants de cette ignorance de la maladie, comme un moindre niveau d’éducation, la solitude ou encore un suivi médical insuffisant. Ce constat présenté dans le Journal of General Internal Medicine pose néanmoins question : alors qu’un diagnostic plus précoce des démences ou du déclin cognitif peut permettre une intervention conservatrice, cette ignorance joue bien contre la prise en charge de la maladie.
Le taux d’ignorance est même stupéfiant, chez les adultes âgés atteints de démence probable, près de 60% s’avèrent non diagnostiqués ou ignorent leur diagnostic. Selon les chercheurs, la plupart des conclusions confirment de précédents résultats, cependant de nouveaux facteurs d’ignorance apparaissent ici, dont par exemple, les consultations sans aidant naturel, chez le médecin.
« Il y a une « énorme population » vivant avec la démence et qui ne le sait pas », explique le Dr Halima Amjad, professeur de médecine à l'École de médecine Johns Hopkins et auteur principal de l'étude : « Les implications sont pourtant essentielles en termes de planification et la prestation des soins de santé ainsi que sur la communication patient-médecin ». En particulier, chez les patients atteints de démence légère et toujours capables d'effectuer leurs tâches quotidiennes de façon autonome, les symptômes de perte cognitive sont plus souvent masqués. On estime ainsi que seulement la moitié des personnes atteintes de démence ont reçu un diagnostic officiel documenté par un médecin.
Mieux identifier les groupes de patients atteints mais qui s’ignorent : c’est finalement l’objectif réel de cette analyse des données de la National Health and Aging Trends Study menée sur des personnes âgées de 65 ans et plus. L’analyse identifie ainsi 585 adultes atteints de démence sans le savoir, ainsi que leurs principales caractéristiques : précisément,
- 58,7% ont été diagnostiqués non diagnostiqués (39,5%) ou ignorants leur diagnostic (19,2%) ;
- Chez ces patients atteints de démence « probable », sont surreprésentés les facteurs suivants :
- l’absence d’études secondaires (risque accru de 46% d’ignorance du diagnostic ou de la maladie),
- les consultations médicales en solo (risque multiplié par 2),
- un bon niveau d’autonomie dans les tâches quotidiennes : chaque déficience réduit de 28% le risque d'ignorer le diagnostic.
Des sous-ensembles de patients à risque de démence sans le savoir peuvent ainsi être plus ou moins définis. Il appartient donc aux médecins d’accorder plus d’attention à certains facteurs lors de la mise en œuvre du dépistage cognitif de routine, concluent les auteurs.
Source: Journal of General Internal Medicine July 2018 DOI : 10.1007/s11606-018-4377-y Underdiagnosis of Dementia: an Observational Study of Patterns in Diagnosis and Awareness in US Older Adults (Visuel Johns Hopkins Medicine)
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