Cette découverte de ces neuroscientifiques de l’Institut Salk (La Jolla) pourrait nous permettre de mieux comprendre comment les neurones travaillent ensemble, en réseaux, pour façonner notre perception du monde, en filtrant les données en équipe et par le biais de réseaux neuronaux, et en nous apportant soit une image globale et synthétique soit un point de vue plus détaillé et précis. Ces travaux, présentés dans la revue Neuron, révèlent une flexibilité extrême de nos neurones qui, en fonction de leur intégration dans tel ou tel réseau, tantôt vont contribuer à un point de vue détaillé tantôt à une vue d’ensemble.
Lorsque nous percevons le monde qui nous entoure, certains objets apparaissent plus remarquables que d'autres, en fonction de la tâche en cours, de la situation du moment et de l‘objectif poursuivi. Par exemple, lorsque nous observons de loin une montagne recouverte de forêts, la forêt ressemble à un grand tapis vert. Mais à mesure que nous nous rapprochons, nous commençons à distinguer les arbres individuels et la forêt s'estompe au second plan. Que se passe-t-il dans le cerveau au cours de ce changement de perspective?
Les scientifiques qui étudient le système visuel pensaient jusque-là que les cellules individuelles de notre cerveau, ou neurones, agissent comme des filtres. Certains neurones préfèrent les détails grossiers de la scène visuelle et ignorent les détails les plus fins, tandis que d'autres font l'inverse. Chaque neurone aurait ainsi été équipé de son propre degré de filtrage. Cette étude du Salk Institute remet en cause cette théorie en démontrant que nos neurones s’adaptent tout à fait bien à la situation. Les mêmes neurones qui perçoivent une situation d’ensemble (la montagne recouverte de forêt) sont également capables de percevoir le détail le plus fin (l’oiseau sur la branche).
Ces mécanismes neuronaux qui façonnent notre perception du monde : l’auteur principal, le professeur Thomas Albright, directeur du Centre de neurobiologie de la vision de Salk résume : « On pensait que la sélectivité des neurones était stable, mais nos travaux montrent que la capacité de filtrage des neurones est beaucoup plus flexible ».
La démonstration est ici effectuée sur un modèle animal. On a montré aux animaux des modèles optiques dans lesquels les chercheurs variaient le contraste entre les zones sombres et les zones claires et mesuraient les préférences (ou l’activité) des neurones quant aux détails grossiers et fins. L'objectif était de voir comment les neurones traitaient ces modèles, en particulier dans la zone temporale centrale du cerveau dans le cortex visuel. Les scientifiques constatent alors qu’un neurone individuel est capable de filtrer l’image globale comme les détails les plus fins, en fonction du contraste du motif.
Des réseaux de neurones forment des filtres : En mesurant les vitesses de décharge de plusieurs neurones activés par les stimuli optiques, les chercheurs montrent qu'une telle flexibilité est liée à l’activation de réseaux entiers de neurones agissant comme des filtres. Ainsi, pour comprendre une situation d’ensemble, les neurones travaillent en équipe. Et le degré de détail adopté par le neurone individuel dépend d’un équilibre entre des signaux positifs (excitateurs) et négatifs (inhibiteurs) par lesquels les neurones communiquent dans le réseau.
Des résultats qui suggèrent que pour mieux comprendre cette faculté d'adaptation, il faut repenser ce que sont les unités de calcul du cerveau. C'est l'équipe de neurones connectés ou le réseau de neurones malléable qui « fait le point » plutôt que le neurone individuel. Et si l'étude est centrée sur le système visuel, cette même qualité de flexibilité des réseaux de neurones est susceptible de prévaloir dans d'autres parties du cerveau et pour d’autres fonctions cognitives.
L’étude confirme ainsi les résultats de précédentes études : l’adaptabilité est plutôt liée à la flexibilité de réseaux neuronaux en action. L'équipe a déjà prévu d’étudier l’incidence des modifications de ces réseaux sur le comportement.
Source: Neuron December 31, 2018 DOI: 10.1016/j.neuron.2018.12.002 Mechanisms of Spatiotemporal Selectivity in Cortical Area MT
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