De nombreuses équipes de recherche ont tenté de trouver des marqueurs du risque de suicide chez les patients anxieux ou déprimés. Biomarqueurs sanguins, tests d’évaluation ou encore imagerie cérébrale, si leur combinaison peut permettre « d’approcher » une évaluation du risque, détecter les pensées suicidaires chez un patient reste extrêmement complexe. Cette équipe de l’Université de l'Illinois (Chicago) laisse espérer qu’en identifiant des modifications dans certains circuits cérébraux, les scanners puissent fournir des indices plus significatifs sur le risque de suicide. Ces travaux menés sur plus de 200 participants et publiés dans la revue Psychological Medicine laissent cependant espérer un bon outil diagnostic, mais spécifiquement chez des patients à antécédents mentaux bien documentés. On reste donc loin d’un diagnostic ou d’un marqueur simple du risque de suicide.
Précisément, ces chercheurs identifient des différences de circuits cérébraux pouvant être associées à un comportement suicidaire chez les personnes déjà diagnostiquées avec des troubles de l'humeur. La piste est prometteuse donc mais implique une utilisation pointue de l’imagerie médicale (IRMf). Elle n’est cependant pas à négliger, en regard de l’augmentation régulière des taux de suicide chez les jeunes adultes, en particulier chez ceux souffrant de troubles de l'humeur-dont la dépression.
Le premier de tous les indicateurs reste la consultation, mais…
plus de la moitié des patients qui se suicident ont consulté un professionnel de santé dans les 30 jours précédents. Cependant, lors de ces consultations, les troubles de l’humeur ne sont pas systématiquement recherchés.
Détecter les pensées suicidaires d’un patient est extrêmement complexe : si de nombreuses équipes ont travaillé à l’identification des facteurs de risque de suicide pour une surveillance mentale plus ciblée ou encore à l’identification de combinaisons de biomarqueurs sanguins et de questionnaires d’évaluation, ces modèles extrêmement complexes restent difficiles à appliquer en routine clinique. C’est ce que retient d’ailleurs l’auteur principal, le Dr Scott Langenecker, professeur de psychiatrie : « À l'heure actuelle, nous disposons de très peu d'outils en pratique clinique pour identifier les personnes susceptibles de présenter un risque suicidaire ». Pourtant il est évident que l’identification de biomarqueurs du risque de tentative de suicide (TS), comme les antécédents de comportement lié au suicide par exemple, pourrait conduire à une prévention mieux ciblée et plus efficace.
Enfin, les substrats neuronaux du risque de suicide dans les troubles de l'humeur restent encore inconnus.
Des différences de connectivité dans plusieurs zones cérébrales : l’étude menée auprès de 18 jeunes adultes présentant un trouble de l'humeur avec une histoire de TS, 60 participants avec trouble de l'humeur et antécédents de pensées suicidaires (PS) mais sans TS, 52 participants avec trouble de l'humeur sans antécédents de PS et de TS, et 82 participants en bonne santé mentale, a comparé différents circuits cérébraux entre les différents groupes : la connectivité des zones cérébrales dites du mode par défaut (au repos), du réseau de contrôle cognitif, du réseau d'émotion et de saillance. Cette analyse révèle des différences de connectivité dans plusieurs zones fronto-pariétales ainsi que dans les réseaux « cognitif » et « émotionnel ». Ces différences de connectivité qui persistent à 4 mois sont décrites comme permettant de distinguer les participants à antécédents de TS. Les chercheurs concluent à « une précision, une sensibilité et une spécificité satisfaisantes ». Ces travaux suggèrent que les patients à antécédents de TS et dans le contexte de troubles de l'humeur peuvent donc présenter des modèles distincts de connectivité dans certaines zones du cerveau, et ces modèles sont des marqueurs identifiables à l'IRMf.
Identifier mais pouvoir traiter aussi : si nous avons bien là un outil prometteur pour identifier les sous-types de patients atteints de troubles de l'humeur susceptibles de présenter un risque de comportement suicidaire, pour aller jusqu’au bout, cette détection suppose un dépistage préalable des troubles de l’humeur et une bonne connaissance de l’histoire du patient. Ensuite, une fois bien définies et validées, ces différences de connectivité pourraient constituer une cible pour le traitement, par exemple avec par approches neuromodulatrices : améliorer la connectivité de certains circuits cérébraux pourrait permettre de risque de suicide.
Un mode détection qui en est encore à ses tout débuts : c‘est une petite étude, avec seulement 18 participants présentant des troubles de l'humeur et des antécédents de TS et ces résultats doivent donc être répliqués sur des échantillons plus larges suivis sur une plus grande durée. Ensuite, les chercheurs s’interrogent aussi sur l’association entre troubles de l’humeur et risque de suicide. Chaque type de trouble pourrait être corrélé à un certain niveau de risque.
Une étude longitudinale donc, au cours de laquelle il sera possible de suivre sur le long terme ces circuits cérébraux permettrait de mieux cerner les facteurs de risque à surveiller et de déterminer s'il convient d’intervenir.
Source: Psychological Medicine Oct, 2019 DOI : 10.1017/S0033291719002356 Using resting-state intrinsic network connectivity to identify suicide risk in mood disorders
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