Ces chercheurs de l'Universite de Wisconsin-Madison réveillent des singes profondément endormis par une anesthésie, à l’aide d’une petite quantité d'électricité délivrée à une fréquence spécifique à un point particulier du cerveau. Mais dès que l’impulsion cesse, les singes se rendorment. Cette expérience, décrite dans la revue Neuron, montre qu’il est possible de stimuler, de manière artificielle, le circuit de la conscience dans le cerveau même durant le coma ou un sommeil profond.
Ici, les macaques sont soumis à des anesthésiques généraux couramment administrés aux patients humains lors d’une chirurgie, le propofol et l'isoflurane. L’application au bon site cérébral de ce faible courant ressuscite les singes et les rend à nouveau alertes dans les deux ou trois secondes suivant l'application. Tant que leur cerveau est stimulé, leur comportement est celui de singes éveillés : ils ouvrent les yeux, recherche les objets à proximité, leurs signes vitaux changent, leur mobilité et leur activité cérébrale sont celles d'un état de veille. Mais, quelques secondes après l’arrêt de la stimulation, leurs yeux se ferment à nouveau et ils repartent dans un état inconscient.
Une confirmation de l'intérêt de la stimulation cérébrale profonde ?
L’auteur principal de l’étude, Yuri Saalmann, professeur de psychologie et de neurosciences à UW-Madison rappelle une expérience similaire avec des souris réveillées d’une anesthésie légère avec une méthode similaire et des essais chez des patients humains, souffrant de troubles graves dont les symptômes sont réduits avec une stimulation électrique profonde. Cependant, cette étude est la première à tirer un mammifère d'un état inconscient profond et à identifier un réseau spécifique dans le cerveau voué à la conscience.
Quel est ce site de la conscience ? L’équipe a concentré son attention sur une zone située au cœur du cerveau, le thalamus latéral central. Les lésions dans cette zone du cerveau humain sont liées à une perturbation grave de la conscience et entraînent le coma. Cependant ce seul emplacement n’est pas suffisant pour manipuler la conscience. S'appuyant sur de précédentes études d’éveil chez l’animal, les chercheurs ont eu l’idée de redonner au thalamus latéral central une fréquence d’activité similaire à celle qu’il connait durant l'éveil : la stimulation précise de plusieurs sites simultanément et très rapprochés (à 200 millionièmes de mètre les uns des autres) et l'application de stimulations électriques 50 fois par seconde se sont avérées fonctionner comme un interrupteur pour amener le cerveau dans et hors de l'anesthésie.
Une « position » cible à 1 mm près : non seulement le site de stimulation mais aussi la fréquence de stimulation doivent être hyperprécis, soulignent les chercheurs. Ils observent d’ailleurs qu’une fois son activité rétablie, le le thalamus latéral central stimule d’autres zones du cortex. À son tour, le cortex répond au thalamus latéral central pour le maintenir actif. Il existe ainsi un circuit entre les couches plus profondes du cortex et le thalamus latéral central, qui agit en quelque sorte comme un moteur de la conscience. « Nous connaissons aujourd’hui les zones cruciales du cerveau qui font fonctionner ce moteur, réveillent la conscience et permettent l’expérience consciente ».
Une stimulation électrique précise pour aider les patients souffrant de nombreuses anomalies de l’activité cérébrale, c’est la voie thérapeutique qui s’ouvre avec ces nouvelles connaissances. « Reproduire spécifiquement l'activité de ce moteur pourrait être un moyen beaucoup plus efficace d'aider les patients dans le coma ou les personnes qui souffrent de différents troubles de la conscience ».
Source: Neuron February 12, 2020 DOI : 10.1016/j.neuron.2020.01.005 Thalamus Modulates Consciousness via Layer-Specific Control of Cortex
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