Accroître l’efficacité de la chimiothérapie contre le glioblastome passe par la chronothérapie mais peut-être aussi par le mode d’administration : cette équipe de bioingénieurs et d’oncologues de l’Université de Linköping (Suède) vient de mettre au point un nouveau type de chimiothérapie ciblée sur les sphéroïdes de glioblastome via pompe ionique. Cette pompe à ions peut délivrer des cytostatiques avec plus de précision dans le cerveau, avec donc moins effets indésirables. Ce dispositif, décrit dans la revue Advanced Materials Technologies, permet également de préserver la pression, extrêmement sensible, à l'intérieur du cerveau.
Malgré la chirurgie et le traitement par chimiothérapie et radiothérapie, la majorité des patients présentent une récidive des tumeurs cérébrales malignes. Le glioblastome, qui est le type de cancer du cerveau le plus courant et le plus agressif aussi est généralement traité par chirurgie, mais « il reste » souvent de petites parties de la tumeur incrustées entre les cellules cérébrales. Même une chirurgie de haute précision ne peut pas éliminer ces cellules sans endommager les tissus cérébraux sains environnants. La radiothérapie et la chimiothérapie sont donc utilisées ensuite en complément, pour tenter d’éliminer le risque de récidive de la tumeur.
Un mode d’administration innovant et sensible
Pour traiter le glioblastome, il existe environ une trentaine de cytostatiques ou médicaments de chimiothérapie. Ces agents sont le plus souvent administrés par voie intraveineuse ou sous forme de comprimés. Mais pour atteindre le cerveau, ils doivent se diffuser dans la circulation sanguine puis traverser la barrière hémato-encéphalique. Or les parois des petits vaisseaux sanguins du cerveau sont beaucoup moins perméables que les vaisseaux sanguins du reste du corps et peuvent empêcher de nombreuses substances présentes dans le sang de pénétrer dans le cerveau. Ainsi, seuls quelques-uns de ces cytostatiques peuvent parvenir jusqu’à la tumeur. Il existe donc un besoin de nouveaux modes d’administration ciblés et adaptés au cerveau.
La réponse de l’équipe suédoise est une pompe à ions implantée qui peut être utilisée pour contourner la barrière hémato-encéphalique et fournir de la gemcitabine – un agent de chimiothérapie extrêmement efficace qui ne peut normalement pas passer le sang puis atteindre le cerveau. La gemcitabine est actuellement utilisée pour traiter les cancers du pancréas, de la vessie et du sein, où elle agit en perturbant le processus de division cellulaire dans les tumeurs à croissance rapide. Cela signifie que la gemcitabine n'affecte pas les cellules cérébrales, car celles-ci ne subissent généralement pas de division cellulaire.
Avec cette toute première « pompe ionique » à être testée pour l’administration de la gemcitabine, les chercheurs peuvent cibler les seules cellules cancéreuses, en préservant complètement les neurones.
Exploiter le principe d'électrophorèse : les tests menés in vitro, sur les cellules de glioblastome montrent que plus de cellules cancéreuses sont tuées lorsque nous utilisons la pompe à ions que lorsque nous utilisons un traitement manuel, explique Linda Waldherr, chercheur à l'Université médicale de Graz. En pratique, lorsque la pompe ionique devra transporter la gemcitabine d'un réservoir aux cellules cancéreuses, un courant faible sera utilisé pour «pomper» le médicament chargé positivement à travers un canal de transport ionique. La pompe ionique n'a besoin que d'un très faible courant pour pomper la gemcitabine, ce qui est un avantage car elle évite le risque que les cellules cérébrales soient activées et transmettent des signaux nerveux involontaires. Le courant et la tension faibles signifient également que la technologie ne nécessitera pas de batterie trop importante pour fonctionner. Enfin, la pompe ionique permettra de respecter la pression extrêmement sensible à l’intérieur du cerveau. Le dosage sera contrôlé par une charge électrique, ce qui permet une délivrance extrêmement précise.
L’équipe suédoise -avec des collègues de l'Université de médecine de Graz (Autriche)- apporte ainsi in vitro, sur des cellules en culture, la preuve de concept et d’efficacité de la pompe à ions pour la délivrance précise de la chimio au cerveau.
Si tous ces résultats expérimentaux sont extrêmement prometteurs, il faudra encore 5 à 10 ans avant de voir cette nouvelle technologie utilisée en clinique. Mais le concept est là, souligne l’auteur principal, Daniel Simon, professeur d'électronique organique du département des sciences et technologies de l'université de Linköping.
Source: Advanced Materials Technologies 12 April 2021: DOI 10.1002/admt.202001302 Targeted Chemotherapy of Glioblastoma Spheroids with an Iontronic Pump
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