La question a été documentée par de très nombreuses recherches, mais la réponse reste toujours incertaine. Quels effets indésirables possibles des antidépresseurs durant la grossesse ? Quelles implications pour les résultats de santé de la mère comme de l’enfant ? Le rapport bénéfice-risque reste-t-il toujours positif en cas de dépression majeure chez la mère ? Cette équipe de la Mount Sinai School of Medicine associe ici, dans la revue Neuropsychopharmacology, le risque de troubles affectifs chez l'enfant, non pas au médicament, mais à la santé mentale des parents.
L’auteur principal, le Dr Anna Rommel, professeur au Département de Psychiatrie du Mount Sinai Health System rappelle la prévalence des troubles dépressifs majeurs soit 1 personne sur 5 au moins une fois au cours de la vie. Cette prévalence est près de 2 fois plus élevée chez les femmes que chez les hommes et en particulier au cours de la période périnatale : une femme sur 10 éprouve des symptômes dépressifs durant sa grossesse. Les antidépresseurs sont généralement administrés en première intention, y compris pendant la grossesse, soit pour prévenir la récidive de la dépression, soit comme traitement aigu chez les patients qui développent une dépression majeure.
La maladie mentale des parents explique principalement le risque de troubles affectifs chez l’enfant
L'utilisation d'antidépresseurs pendant la grossesse est courante, cependant, alors que les antidépresseurs traversent le placenta et la barrière hémato-encéphalique, il existe de nombreuses préoccupations quant aux effets possibles à court (résultats de naissance) et à long terme (santé mentale de l’enfant) de l'exposition intra-utérine aux antidépresseurs chez l'enfant à naître.
L'étude a suivi plus de 42.000 bébés nés entre 1998 et 2011 pendant 18 ans pour vérifier si l'exposition in utero aux antidépresseurs augmentait le risque de troubles affectifs tels que dépression et anxiété chez l'enfant, plus tard dans la vie. L’analyse constate que :
- les enfants de mères sous antidépresseurs pendant la grossesse présentent en effet un risque plus élevé de troubles affectifs vs les enfants dont les mères ont arrêté les antidépresseurs avant la grossesse ;
- l'utilisation d'antidépresseurs paternels pendant la grossesse est tout autant associée à un risque plus élevé de troubles affectifs chez l’enfant ;
- ainsi, plutôt que d’être un effet de l’exposition in utero aux antidépresseurs pris par la mère, ce risque accru de troubles affectifs semble plutôt lié à la maladie mentale parentale ;
« Environ la moitié des femmes qui utilisent des antidépresseurs avant la grossesse décident d'arrêter de les utiliser avant ou pendant la grossesse en raison de ces préoccupations concernant des conséquences négatives possibles pour leur enfant », explique l’auteur principal, le Dr Anna-Sophie Romel, du Département de psychiatrie de l’Icahn School : « Cette étude n’apporte
pas de preuves de relation de cause à effet entre l'exposition in utero aux antidépresseurs et les troubles affectifs chez l'enfant.
Si d'autres effets à long terme de l'exposition intra-utérine aux antidépresseurs restent à étudier, nos travaux soutiennent la poursuite du traitement antidépresseurs chez les femmes enceintes présentant des symptômes sévères ou un risque élevé de rechute ».
Une maladie psychiatrique non traitée pendant la grossesse peut avoir des conséquences négatives sévères sur la santé et le développement de l'enfant.
Source: Neuropsychopharmacology 05 April 2021 DOI : 10.1038/s41386-021-01005-6 Long-term prenatal effects of antidepressant use on the risk of affective disorders in the offspring: a register-based cohort study
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