De nombreuses études ont montré l’impact bénéfique de l’exercice sur le mental et sur l’humeur, cette équipe de neuroscientifiques du National Center of Competence in Research Synapsy (Swiss National Science Foundation) décrypte les mécanismes sous-jacents aux « prouesses » antidépressives du lactate, une molécule produite par le corps pendant l'exercice. Ces travaux publiés dans la revue Mood Disorders motivent à pratiquer et ouvrent également de nouvelles possibilités de traitement.
La dépression, qui touche plus de 260 millions de personnes dans le monde, est l’une des principales causes d'invalidité et de perte de productivité dans le monde. Cet effet antidépresseur du lactate, une molécule naturellement produite par l’exercice, démontré ici chez l’animal, pourrait permettre de mieux traiter la maladie, par des programmes d’exercice sûrement, mais aussi en utilisant une molécule aux propriétés antioxydantes dérivée du métabolisme du lactate, le NAHD, la forme active du nicotinamide (ou vitamine B3), d’ailleurs déjà documentée pour son effet antidépresseur. Le lactate est également connu pour le rôle central qu'il joue dans la nutrition des neurones à l'intérieur du cerveau, et pour ses propriétés antioxydantes.
Ces avantages sont précieux alors que, comme le relève l’auteur principal, Jean-Luc Martin, chercheur au Centre de neurosciences psychiatriques (CNP), « environ 30% des personnes souffrant de dépression ne répondent pas aux antidépresseurs ». Ainsi,
comprendre les mécanismes biologiques associés à l'activité physique pourrait permettre de mieux traiter la dépression.
Exercice et lactate vs anhédonie : déjà, via de précédentes recherches, l’équipe s’était intéressée au lactate pour tenter d'expliquer les bienfaits du sport. Administré à des souris à des doses comparables à celles produites lors de l’activité physique, le lactate confirme ici son activité antidépressive : le lactate diminue l'anhédonie, l'un des principaux symptômes de la dépression, qui consiste en une perte d'intérêt ou de plaisir pour toutes les activités qui, avant la dépression, étaient considérées comme agréables.
Exercice et lactate pro neurogenèse : les scientifiques montrent, toujours chez la souris que
le lactate favorise la neurogenèse dans l'hippocampe,
une zone du cerveau impliquée dans la mémoire mais aussi dans la dépression. Or la neurogenèse -comme son nom l’indique- permet de remplacer les neurones, un processus qui apparaît altéré chez les patients dépressifs et dont le dysfonctionnement entraîne chez certains d’entre eux, une réduction du volume de l'hippocampe. 2ème avantage du lactate donc, il restaure la neurogenèse et donc réduit le comportement dépressif chez la souris. À l'inverse, lorsque les chercheurs bloquent la neurogenèse, le lactate perd son effet antidépresseur, ce qui suggère que les effets antidépresseur et neurorégénératif sont intimement liés.
Mais comment le lactate relance la neurogenèse ? Les scientifiques ont étudié son métabolisme : le lactate est en grande partie dérivé de la dégradation du glucose des aliments, puis est oxydé en pyruvate. Lors de la conversion du lactate en pyruvate, les cellules produisent cette molécule au pouvoir antioxydant, connue sous le nom de NADH (forme active du nicotinamide ou vitamine B3). Les propriétés antioxydantes du NADH protègent la neurogenèse lors d'un épisode dépressif, ce qui permet d’éviter la dépression majeure.
Ce mécanisme contribue ainsi à expliquer un des liens au moins, inverse, entre le sport et la dépression, et suggère des cibles possibles pour de futurs traitements : faire du sport ou relancer la neurogenèse par une molécule antioxydante NADH like.
Source: Molecular Psychiatry 27 May 2021 DOI: 10.1038/s41380-021-01122-0 Lactate reveals all about its antidepressant prowess
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