Consommer plus de viande est un facteur de risque de sclérose en plaques (SEP), tout comme, plus globalement, le régime alimentaire, « l'écologie intestinale » ou le microbiote : ce sont tous des facteurs corrélés à l’aggravation des symptômes de la SEP, conclut cette équipe de neurologues de l’Université du Connecticut (UConn Health) et de la Washington University School of Medicine.
Ces travaux, publiés dans la revue EBioMedicine révèlent ainsi des liens subtils qui pourraient conduire à une meilleure compréhension des causes de la maladie.
La sclérose en plaques (SEP) est une maladie auto-immune qui touche moins de 3 millions de personnes dans le monde mais dont le fardeau, au-delà du handicap considérable pour les patients, est chiffré à 28 milliards de dollars par an aux seuls États-Unis. Cette maladie auto-immune est caractérisée par une attaque par laquelle le corps attaque la myéline qui constitue l'isolation entourant ses nerfs. Lorsque cette protection est endommagée, les nerfs commencent à dysfonctionner, le système nerveux est compromis. On ignore cependant ce qui incite le corps à déclencher cette attaquer.
La SEP est plus répandue dans les régions à latitudes moyennes du nord, ce qui suggère que la géographie est également liée à la prévalence de la maladie,
ce qui suggère un rôle du régime alimentaire.
Démêler les relations exactes entre l'alimentation, la réponse immunitaire et la SEP reste une tâche complexe, à laquelle s’est attelée cette équipe américaine.
Alimentation, microbiote et SEP
De plus en plus de preuves suggèrent une implication du microbiote et des bactéries qui vivent dans nos intestins. On sait que ces bactéries peuvent affecter notre système immunitaire. Et on sait également que notre régime alimentaire affecte notre microbiote intestinal, résume l’un des auteurs principaux, le Dr Yanjiao Zhou de la UConn Health School of Medicine.
L’étude a donc porté sur le lien entre le microbiome intestinal, le système immunitaire, l'alimentation et les métabolites sanguins, chez 49 volontaires dont 25 patients atteints de SEP et 24 témoins en bonne santé. Cette analyse identifie :
- un certain nombre de bactéries intestinales associées à la SEP et à la gravité de l'invalidité associée à la SEP ;
- une augmentation de métabolites marqueurs voire signature de la réponse auto-immune ans la SEP.
Mais comment ces systèmes se connectent les uns aux autres ? En d’autres termes, quel rôle joue l'alimentation dans ces interactions ? Le recours dans cette analyse aux approches multiomiques (génomique, métabolomique, transcriptomique, protéomique), permet de décrypter ces associations entre plusieurs systèmes et, au final, une interaction entre l'alimentation, le microbiome intestinal, le système immunitaire et le métabolisme : parmi les interactions et les processus documentés :
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un lien systémique fort est identifié avec la consommation de viande :
- une consommation de viande plus importante est corrélée à une diminution de la population de Bacteroides thetaiotaomicron, cette bactérie B. thetaiotaomicron étant impliquée dans la digestion des glucides des légumes ;
- une consommation de viande plus élevée, observée -en moyenne- chez les patients atteints de SEP, s’avère également liée à une augmentation des cellules T-helper 17 dans le système immunitaire et à une augmentation de la S-adénosyl-L-méthionine (SAM) dans leur sang ;
- la relation entre la consommation de viande et le handicap et les autres facteurs n’apparaît pas déterminante ou signifiante ; cependant, alors que chez les personnes en bonne santé, une consommation élevée de viande n’a pas toujours d’effets significatifs, dans la SEP, cette consommation élevée de viande semble perturber l’équilibre des communautés bactériennes intestinales des gens, favoriser le dysfonctionnement du système immunitaire caractérisé, entre autres signes, par une augmentation des cellules Th17 et des attaques auto-immunes sur le système nerveux. Prises ensemble,
les différentes observations permettent ainsi de corréler la consommation de viande à ces attaques auto-immunes,
écrivent les chercheurs dans leur communiqué.
Ainsi, il existe bien une interaction entre l’alimentation, le microbiote et le système immunitaire qui peut contribuer à la pathogenèse et à la progression de la SEP. Les chercheurs appellent donc à mieux comprendre et mieux gérer la maladie avec une approche plus globale des différents facteurs en jeu et de leurs interactions complexes. Cette approche pourrait conduire à l'identification d’interactions pertinentes pour la prévention ou l'intervention.
Ces premières découvertes incitent à de nouvelles recherches auprès d’un plus grand nombre de patients, dont des patients atteints de forme sévère de SEP, et à enquêter sur les effets de l’alimentation, les rôles des écosystèmes bactériens de l'intestin et les dysfonctionnements de la réponse immunitaire,
en somme, sur l’impact de leurs interactions possibles sur la sévérité de la maladie.
Source: EBioMedicine 27 Jan, 2022 DOI: 10.1016/j.ebiom.2021.103798 Alterations of host-gut microbiome interactions in multiple sclerosis