Le sentiment de détachement, après un traumatisme, prédit une détérioration de la santé mentale, soulignent ces psychiatres de l’Hôpital McLean (Massachusetts), appelant leurs confrères à faire bénéficier d'interventions précoces les patients qui présentent ce symptôme. En pratique, l’étude, publiée dans l’American Journal of Psychiatry, associe le comportement de dissociation à un risque élevé de syndrome de stress post-traumatique (SSPT).
Il s’agit de la plus grande étude prospective de ce type à préciser les traits prédictifs, juste après un traumatisme, d’un risque élevé de SSPT, de dépression, d'anxiété, de douleur physique et de retrait social. « La dissociation peut aider quelqu'un à faire face à la suite d'un traumatisme en créant une certaine distance psychologique vis-à-vis de l'expérience, mais son coût est élevé, avec en général, le développement de symptômes psychiatriques plus graves », explique l'auteur principal, le Dr Lauren A. M. Lebois, professeur de psychiatrie à la Harvard Medical School : « pourtant les symptômes dissociatifs restent sous-étudiés et sous-diagnostiqués en raison d'un manque relatif de compréhension dans la pratique médicale et clinique ».
Mieux comprendre et détecter les symptômes dissociatifs
L’étude AURORA (Advancing Understanding of RecOvery after TraumA) est menée auprès de 1.464 adultes traités dans 22 services d'urgence, victimes d’un type sévère de dissociation appelé déréalisation. 145 participants ont subi une imagerie cérébrale au cours d'une tâche émotionnelle. 3 mois plus tard, les chercheurs ont recueilli des données d’évaluation et de suivi sur le stress post-traumatique, la dépression, la douleur, les symptômes d'anxiété et les troubles fonctionnels. Cette analyse révèle que :
- les patients ayant développé un phénomène de « déréalisation » ont tendance à présenter des niveaux plus élevés de stress post-traumatique, d'anxiété, de dépression, de douleur et de déficience fonctionnelle ;
- une « déréalisation » prédit une aggravation des symptômes de stress post-traumatique lors de l'examen de suivi, même après prise en compte des symptômes de stress post-traumatique à l’inclusion, et des antécédents de traumatisme durant l'enfance ;
- à l’aide de l’imagerie cérébrale, les scientifiques montrent que la déréalisation est liée à une activité altérée dans certaines zones du cerveau.
Ces conclusions soulignent l'importance du dépistage des symptômes de dissociation et de déréalisation après un traumatisme afin d'identifier les personnes à risque qui pourraient bénéficier d'interventions précoces.
La déréalisation persistante est à la fois un marqueur psychologique précoce et un marqueur biologique de résultats psychiatriques dégradés, plus tard dans la vie, et ses corrélats neuronaux dans le cerveau apparaissent comme de nouvelles cibles thérapeutiques possibles pour prévenir le SSPT.
En pratique, ces psychiatres appellent leurs confrères à faire preuve d’empathie et à communiquer de manière réfléchie avec les patients développant la dissociation, pour les aider à comprendre leurs symptômes et envisager avec eux les traitements adaptés.
Source: American Journal of Psychiatry 22 June 2022 DOI: 10.1176/appi.ajp.21090911 Persistent Dissociation and Its Neural Correlates in Predicting Outcomes After Trauma Exposure
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