Les pistes de tests sanguins foisonnent pour tenter de détecter de manière minimalement invasive la démence ou la maladie d’Alzheimer. C’est bien un type de biopsie liquide que nous propose, sur le même principe, cette équipe de biologistes et de neurologues de l’Université John Hopkins. L'équipe de Baltimore montre, ici dans le Journal of Alzheimer’s Disease que les niveaux sanguins d'ADN « libre » peuvent permettre une détection précoce de la démence et de la fragilité. Avec ces données, s’ouvre la perspective de nouveaux tests sanguins de détection précoce mais aussi la voie thérapeutique d’un ciblage direct des mitochondries.
Ici, le marqueur est cependant différent des précédentes recherches sur les tests sanguins de détection de la maladie d’Alzheimer. Il s’agit en effet de détecter et de mesurer l'ADN génomique acellulaire circulant, un produit de la mort cellulaire naturelle dans le corps. Au cours de l’apoptose (ou mort cellulaire programmée), les cellules rétrécissent, dégradent leur membrane plasmique et finalement se rompent et libèrent leur contenu dans le corps, dont ces fragments d'ADN. Ces fragments se retrouvent sous forme d'ADN libre dans la circulation sanguine.
Ces fragments de ccf-gDNA peuvent déclencher des réactions inflammatoires chroniques à long terme, bien liées à la destruction prématurée et au vieillissement des tissus et des organes, y compris le cerveau. L’auteur principal, le Dr Peter Abadir, professeur agrégé de gériatrie et de gérontologie à l'Université Johns Hopkins explique : « le corps voit ces fragments ccf-gDNA comme des déchets qui doivent être éliminés, donc le système immunitaire du corps fonctionne à un rythme plus élevé. Cette surcharge du système immunitaire constitue un facteur de développement de démence.
Un nouveau marqueur, ces fragments circulants de ccf-gDNA
L’étude prospective de long terme a suivi, durant 8 ans, 631 participants âgés en moyenne de 79 ans. Les participants ont passé des tests physiques et cognitifs annuels, au moment de chaque prise de sang. L’analyse conclut que :
- des niveaux plus élevés de ccf-gDNA (pour Circulating cell-free genomic DNA) dans le sang sont associés à un déclin cognitif accru et à une aggravation de la fragilité.
Ces données ouvrent la perspective de tests sanguins relativement simples qui détectent le risque d'Alzheimer et d'autres formes de déclin cognitif. Avec le vieillissement des populations, l'objectif est maintenant un vieillissement en bonne santé, rappelle l’un des auteurs, le Dr Lolita Nidadavolu, M.D., Ph.D., professeur de gériatrie et de gérontologie à la Johns Hopkins. « La démence et la fragilité sont de plus en plus fréquentes. Beaucoup de gens connaissent quelqu'un affecté par ces conditions. Avec une seule prise de sang, nous avons peut-être la capacité d'identifier les personnes qui peuvent bénéficier d'interventions précoces ».
Avec le marqueur, vient le traitement : les chercheurs espèrent mieux cerner les origines cellulaires de ces fragments ccf-gDNA. S’ils identifiaient qu'une grande quantité de ces fragments provient d'un type spécifique de cellule, cette cible pourrait faire l’objet de nouvelles thérapies qui inhibent ce processus de vieillissement et de démence.
Source: Journal of Alzheimer s Disease 11 Oct, 2022 DOI: 10.3233/JAD-220301 Circulating Cell-Free Genomic DNA Is Associated with an Increased Risk of Dementia and with Change in Cognitive and Physical Function
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