Existe-t-il une psychologie de la douleur physique ? Cette étude menée à la City University London révèle en effet, dans la revue Social Psychological and Personality Science, le lien entre le revenu d’une personne et de son expérience de la douleur physique, que ce soit dans un pays riche ou à revenu faible ou intermédiaire. L’explication de ce lien pourrait résider dans la « comparaison sociale » vis-à-vis de ses pairs et c’est une démonstration de l’importance des facteurs psychologiques sur la santé physique.
Il s’agit bien de douleur physique, définie ici par la « perception ressentie lorsque le corps fait mal », et indépendamment de la présence de blessures physiques. Au-delà de son effet majeur de dégradation de la qualité de vie, la douleur physique est l'un des principaux facteurs de consultations et de visites aux Urgences. On estime par exemple, que les seules douleurs musculosquelettiques motivent à elles seules 30 % des consultations médicales.
La douleur physique a augmenté de façon spectaculaire au cours des dernières décennies, devenant une priorité en Santé publique mondiale. La douleur affecte les loisirs et la productivité au travail, augmente les coûts des soins de santé et représente un défi majeur pour les systèmes de santé. La douleur joue également un rôle clé dans le suicide et dans l'abus de substances, de médicaments et d'alcool.
Comprendre le contexte de la douleur est crucial pour faire face à ses conséquences
L’étude analyse des données d'un sondage mondial, le World Gallup Poll (GWP) annuel, mené dans 146 pays, couvrant les années 2009 à 2018, soit les réponses d'environ 1,3 million de répondants adultes. Les répondants ont précisé le revenu mensuel total de leur ménage avant impôts, qui a été divisé par le nombre de personnes du foyer afin pour d’obtenir le quotient familial ou revenu personnel du répondant. La perception d’une douleur physique a été recensée la veille de l'enquête, les participants pouvant répondre « oui » ou « non ». L’analyse constate que :
- un niveau de revenu inférieur est lié à un risque plus élevé de ressentir de la douleur physique. C'est la première fois qu'une telle relation est démontrée ;
- cette relation persiste que la personne vive dans un pays riche ou dans un pays pauvre.
Le revenu en valeur absolue : l’auteur principal, le Dr Lucía Macchia, maître de conférences en psychologie à la la City University London ajoute que les habitants des pays pauvres ne s'en sortent pas mieux que ceux des pays riches en ce qui concerne l'effet « douleur » associé au montant, en valeur absolue de leurs revenus personnels. C’est une découverte inattendue qui nécessite une enquête plus approfondie, car on aurait pu penser que les habitants des pays les plus pauvres seraient plus fortement touchés, l’accès aux soins étant généralement réduit et une petite augmentation de leurs revenus pouvant en revanche offrir plus rapidement un meilleur accès aux soins de santé et aux facteurs de bien-être plus largement disponibles dans les pays riches.
Le sentiment d’être défavorisé : dans l'ensemble, les résultats suggèrent qu'un facteur majeur de cette corrélation entre les niveaux de douleur d'une personne et son revenu personnel pourrait être constitué par les émotions négatives liées à l’auto-évaluation de sa situation en comparaison de ses pairs. Que ce sentiment négatif procède de la perception de leur propre niveau de privation par rapport à leurs pairs ou de leur position sociale ou encore d’un sentiment de manque de progression sociale.
« C’est la première étude qui montre que le niveau de revenus et la douleur physique sont liés dans le monde entier. Cela suggère un effet physique de la comparaison sociale et confirme l'impact des facteurs psychologiques sur la santé physique ».
Source: Social Psychological and Personality Science 17 April, 2023 DOI : 10.1177/19485506231167928 Having less than others is physically painful: Income rank and pain around the world’ in the journal (In Press) via AAAS 17 Apr, 2023 Income rank linked to experience of physical pain, irrespective of whether in a rich or poor country, study suggests