Cette recherche menée à l'Université de Washington à St. Louis et au National Institute of Neurological Disorders and Stroke (NINDS/NIH), centrée sur le système glymphatique ou système de drainage des déchets cérébraux, révèle une connexion directe entre le cerveau et l’une de ses enveloppes protectrices, la dure-mère. Cette connexion qui permet aux déchets liquides de s'évacuer du cerveau, tout en exposant le cerveau aux cellules immunitaires et à d’autres signaux provenant de la dure-mère, remet en question l’idée reçue selon laquelle le cerveau est totalement coupé de son environnement par sa série de barrières protectrices. Ces travaux, publiés dans la revue Nature, décryptent ainsi pour la première fois un véritable système de nettoyage du cerveau connecté aux « tuyaux » d’évacuation à l’intérieur du corps.
L’auteur principal, le Dr Daniel S. Reich, du NINDS, résume cette nouvelle photographie ainsi : « les fluides de résidus se déplacent du cerveau vers le corps, un peu comme la façon dont les eaux usées quittent nos maisons ».
L’étude utilise l’imagerie par résonance magnétique (IRM) à haute résolution pour observer la connexion entre le cerveau et les systèmes lymphatiques du corps chez l’Homme. Une deuxième équipe étudie ces mêmes systèmes chez la souris, à l’aide de techniques d’imagerie cérébrale microscopique de cellules vivantes.
- à l’aide de l’IRM, les chercheurs ont scanné le cerveau d’un groupe de participants en bonne santé ayant reçu des injections de gadobutrol, un colorant magnétique utilisé pour visualiser les perturbations de la barrière hémato-encéphalique ou d’autres types de lésions des vaisseaux sanguins. On sait que les grosses veines traversent la barrière arachnoïdienne, évacuant le sang du cerveau, et elles ont été clairement observées sur les IRM. Au fur et à mesure de la progression de l'analyse, un anneau de colorant est apparu autour de ces grosses veines qui s'est lentement étendu au fil du temps, suggérant que les fluides parvenaient à se frayer un chemin à travers l'espace autour de ces grosses veines où elles traversent la barrière arachnoïdienne avant d'entrer dans la dure-mère.
- des observations similaires sont faites chez la souris. Comme lors des expériences d’IRM, un fluide contenant des molécules électroluminescentes du cerveau se fraie un passage à travers la barrière arachnoïdienne où passent les vaisseaux sanguins.
- un groupe de cellules « spécialisées » qui entourent les vaisseaux sanguins lorsqu’ils traversent l’espace arachnoïdien forment ainsi des zones ou portes de sortie par lesquelles les fluides, certaines molécules et certaines cellules
peuvent passer du cerveau à la dure-mère et vice versa,
sans permettre cependant de mélange complet les 2 fluides, entrant et sortant.
Dysfonctionnement du système glymphatique et risque accru de certaines maladies neurologiques : on sait que certains troubles comme la maladie d’Alzheimer, une élimination réduite des déchets peut provoquer une accumulation de protéines pathogènes. « Dans le cerveau, les obstructions aux points de sortie peuvent empêcher l’élimination des déchets. Si nous pouvons trouver un moyen de nettoyer ces bouchons, nous pourrons peut-être protéger le cerveau ».
Cerveau et système immunitaire : c’est au niveau de ces points de sortie, que le système immunitaire peut être exposé et réagir aux changements survenant dans le cerveau et vice versa. Lorsque des souris sont modifiées de manière à développer un trouble dans lequel le système immunitaire attaque la myéline du cerveau et de la moelle épinière (de type sclérose en plaques/SEP), des cellules immunitaires sont observées autour des points de sortie ainsi que dans la zone des cellules spécialisées qui entourent ces points de passage. A terme le point de passage se referme et lorsque la capacité des cellules immunitaires à interagir directement avec ces points est bloquée, la sévérité du trouble est réduite.
Le système immunitaire utilise des molécules pour communiquer qui passent du cerveau à la dure-mère. Ce passage doit être étroitement réglementé, sinon des effets néfastes sur la fonction cérébrale peuvent survenir.
Un lien entre vieillissement et insuffisance ou dysfonctionnement des points de passage : chez les participants plus âgés en effet, davantage de colorant s’est infiltré dans le liquide environnant et dans l’espace autour des vaisseaux sanguins. Cela suggère une lente dégradation des points de passage au cours du vieillissement, avec pour conséquence possible, une interaction élargie et indésirable entre le cerveau et le système immunitaire.
Le lien avec le vieillissement et la perturbation de la barrière séparant le cerveau du système immunitaire correspond à ce qui a pu être observé dans les maladies auto-immunes comme la sclérose en plaques. Ce nouveau lien entre le cerveau et le système immunitaire pourrait également contribuer à expliquer pourquoi notre risque de développer des maladies neurodégénératives augmente avec l’âge, cependant des recherches supplémentaires sont nécessaires pour confirmer ce lien.
En conclusion, notre cerveau n’est pas isolé, il communique avec notre système immunitaire, cependant cette connexion, qui comprend le système glymphatique, doit rester étroitement réglementée. Son dysfonctionnement, avec le vieillissement, apparaît lié au développement de certaines maladies neurodégénératives.
Source: Nature 7 Feb, 2024 DOI: 10.1038/s41586-023-06993-7 Identification of direct connections between the dura and the brain