Cette équipe de l’Université de Cologne décrypte le rôle particulier des lipides du corps sur la santé mentale. La recherche, publiée dans la revue Molecular Psychiatry révèle que des niveaux accrus de lipides bioactifs produits naturellement dans le corps affectent la transmission excitatrice entre les cellules cérébrales et favorisent les troubles mentaux. Ces conclusions ouvrent la perspective d’une voie thérapeutique via des inhibiteurs spécifiques.
Car ce mécanisme délétère apparaît ici pouvoir être rééquilibré par un inhibiteur qui empêche l’activation de ces lipides dans le cerveau et pourrait donc contribuer au traitement de certaines maladies mentales.
La nouvelle recherche se concentre précisément sur le rôle de l’enzyme autotaxine et de la protéine PRG-1 -qui joue le rôle inverse-, dans la régulation de l’équilibre entre excitation et inhibition dans le cerveau des humains et des souris. Cet équilibre joue un rôle clé dans les troubles mentaux :
- en cas d’excitation, les circuits neuronaux provoquent la transmission d’informations et l’activation d’autres neurones ;
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en cas d’inhibition, ce transfert d’informations est interrompu.
Lors de précédentes recherches, l’équipe, menée par le Dr Johannes Vogt du Département de neurosciences moléculaires et translationnelles et le Dr Robert Nitsch de l’Institut des neurosciences de l’Université de Munich, avait déjà montré que les lipides du cerveau sont activés par l’enzyme autotaxine et stimulent l’activité des cellules nerveuses au point de contrôle central de la transmission du signal, la synapse corticale. En conséquence, ils modifient le traitement de l’information dans les réseaux cérébraux.
L’étude analyse les conséquences fonctionnelles d’une altération de l’équilibre des signaux chez 25 participants, cette altération étant induite par l’antagoniste de l’autotaxine, qui réduit les lipides activés au niveau de la synapse. En utilisant diverses méthodes de mesure des ondes cérébrales et de l’activité cérébrale ainsi que des tests psychologiques, l’équipe constate :
- des changements spécifiques déjà observés chez les patients avec phénotypes intermédiaires des troubles mentaux ;
- chez des animaux modèles de maladie mentale génétique « similaire » et présentant des symptômes comparables, soit une anxiété accrue, un phénotype dépressif et une plus faible résilience au stress, la synchronisation et le transfert d’informations entre les zones cérébrales sont altérés de la même manière que chez les humains ;
- en d’autres termes, la régulation de l’excitation et de l’inhibition par les signaux lipidiques synaptiques joue un rôle crucial dans le développement et la prévalence des troubles mentaux.
Quelle implication ? Cet état d’excitation accru des réseaux provoqué par la maladie pourrait être régulé par des inhibiteurs spécifiques de l’autotaxine, l’enzyme clé de l’activation des lipides dans le cerveau (des souris et des humains). Ainsi, selon les auteurs, ces découvertes ouvrent de nouvelles perspectives pour le diagnostic et le traitement des troubles mentaux.
« La modulation ciblée des signaux lipidiques synaptiques à l’aide d’inhibiteurs d’autotaxines pouvant atteindre le cerveau pourrait constituer une toute nouvelle voie thérapeutique des troubles mentaux ».
Les essais cliniques sont planifiés.
Source: Molecular Psychiatry 28 May, 2024 DOI: 10.1038/s41380-024-02598-2 Altered cortical synaptic lipid signaling leads to intermediate phenotypes of mental disorders