Cette équipe de psychologues et de neurologues du Centre médical Irving de l’Université Columbia illustre à nouveau combien « le mental » peut avoir d’importantes répercussions sur la santé cérébrale -et la santé en général. Ces travaux, présentés dans les Actes de l’Académie des Sciences américaine (PNAS) révèlent, en particulier, que des expériences de vie plus positives sont associées à un risque réduit de troubles cérébraux/neurologiques, comme la maladie d’Alzheimer, à un déclin cognitif plus lent avec l’âge et même …à une vie plus longue.
Les processus par lesquels les sentiments et les expériences se traduisent en changements physiques qui protègent ou nuisent au cerveau restent encore largement incompris. C’est pourquoi l’équipe newyorkaise a tenté de les identifier. Elle suggère aujourd’hui que les mitochondries du cerveau jouent un rôle fondamental dans ces effets.
Les mitochondries fournissent de l’énergie aux cellules du cerveau, et la recherche montre que la machinerie moléculaire utilisée par les mitochondries pour transformer l’énergie est stimulée chez les personnes qui ont subi moins de stress psychologique au cours de la vie. Les auteurs principaux, Caroline Trumpff, professeur de psychologie et Martin Picard, professeur agrégé de médecine comportementale à l’Université Columbia et au Robert N. Butler Columbia Aging Center résument : « nous montrons que l’état d’esprit des personnes âgées est lié à la biologie de leurs mitochondries cérébrales. Nous apportons ici :
la première démonstration de la corrélation entre des expériences psychosociales subjectives et la biologie du cerveau ».
Les mitochondries du cerveau sont comme des antennes,
captant les signaux moléculaires et hormonaux et transmettant des informations au noyau cellulaire, modifiant ainsi le cours de la vie de chaque cellule. Et si les mitochondries peuvent modifier le comportement cellulaire, elles peuvent également modifier la biologie du cerveau, de l’esprit et de la personne dans son ensemble.
L’étude, pour aboutir à ces conclusions, analyse les données de 2 recherches approfondies menées auprès de 450 participants âgés, suivis durant 2 décennies. Les participants à l’étude ont fait don de leur cerveau après leur décès pour une analyse plus approfondie, ce qui a apporté des données sur l’état de leurs cellules cérébrales. Les chercheurs disposaient également pour chaque participant des facteurs psychosociaux positifs et négatifs, ce qui leur a permis d’attribuer un score unique d’expérience psychosociale globale. L’équipe a également examiné l’état biologique des mitochondries. L’analyse révèle que :
- un domaine mitochondrial spécifique, impliqué dans la transformation énergétique est associé aux scores psychosociaux ;
- un plus grand bien-être s’avère lié à une plus grande abondance de protéines dans les mitochondries nécessaires à la transformation de l’énergie,
- une humeur plus négative étant liée à une plus faible teneur en protéines.
« C’est probablement la raison pour laquelle les expériences négatives et le stress psychologique chronique et sont mauvais pour le cerveau, car ils endommagent ou altèrent la transformation de l’énergie mitochondriale dans le cortex préfrontal dorsolatéral, la partie du cerveau responsable des tâches cognitives de haut niveau ».
Les associations entre les mitochondries et les facteurs psychosociaux ne semblent pas déterminées par les neurones du cerveau, mais par les cellules gliales, qui pourraient jouer plus que leur rôle de « soutien » traditionnellement supposé.
Les mitochondries changent-elles l’humeur, ou l’humeur change-t-elle les mitochondries ? Si cette recherche ne permet pas de déterminer si les expériences psychosociales du participant ont modifié ses mitochondries cérébrales ou si les états mitochondriaux innés ou acquis ont contribué à ces expériences, d’autres recherches récentes ont suggéré que la relation entre les mitochondries et l’humeur fonctionne dans les deux sens. Ainsi, précisent les chercheurs, dans les études animales, les preuves sont très solides, selon lesquelles le stress chronique affecte la transformation énergétique des mitochondries. Un nombre croissant d’études menées chez les animaux et les humains indiquent également que les mitochondries elles-mêmes peuvent modifier le comportement.
« Il est possible que ces mécanismes se renforcent mutuellement et le stress chronique pourrait altérer la biologie mitochondriale d’un individu d’une mdeanière à affecter par la suite sa perception des événements sociaux, créant ainsi davantage de stress ».
A la lumière de ces conclusions, il semble utile sur le plan clinique de surveiller les changements d’humeur ou de « mental » …qui peuvent prédire une aggravation la maladie.
Source: Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS) 18 June, 2024 DOI: 10.1073/pnas.1321881111 Psychosocial experiences are associated with human brain mitochondrial biology
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