L’exposition du bébé à l'inflammation maternelle, in utero pendant la grossesse, au moment même du développement de son cerveau, peut affecter ensuite considérablement son le vieillissement cérébral et cognitif, 50 années plus tard. C’est la conclusion, remarquable, de cette étude longitudinale extrême, menée par une équipe du Mass General Brigham (MGB, Boston), publiée dans la revue Molecular Psychiatry. Si l’activité immunitaire prénatale affecte ainsi à très long terme le développement du cerveau de la « progéniture », ce facteur n’est pas le seul, précisent les chercheurs, et vient se combiner à toute une série de facteurs environnementaux.
On estime que plus de 150 millions de personnes pourraient vivre avec la maladie d’Alzheimer en 2050, chaque facteur de risque doit être mieux compris et mieux pris en compte.
La recherche qui a suivi ses participants avant même leur naissance et jusqu’à l’âge de 50 ans, suggère un nouvel indice sur les origines de la maladie d'Alzheimer : l'activité immunitaire liée au stress pendant la fin du 2è ou le début du 3è trimestre de la grossesse pourrait en effet avoir des effets à très long terme sur les circuits, les fonctions et le déclin de la mémoire de l’enfant, et accroître ainsi le risque d'Alzheimer, plus tard dans la vie.
La recherche aboutit à des conclusions différentes selon le sexe de l’enfant, et les neuroscientifiques rappellent que les différences de fonction immunitaire entre les sexes commencent dès le développement fœtal. S’il est largement reconnu que les circuits cérébraux sous-jacents à la mémoire diffèrent selon le sexe biologique, les facteurs de vieillissement et de maladie d’Alzheimer liés au sexe sont mal compris.
Le vieillissement cérébral est également lié au développement cérébral
L’étude analyse les données de 18.000 participants suivis avant leur naissance et pendant plus de 50 ans et met en lumière l’impact de l’activité immunitaire maternelle pendant une période critique sur le développement cérébral du bébé. L’analyse est concentrée sur 204 individus nés pendant le suivi, exposés ou non à un environnement immunitaire in utero défavorable,
c’est-à-dire à des niveaux élevés de marqueurs immunitaires, tels que les cytokines IL-6 et TNF-a,
qui ont été suivis jusqu’à la cinquantaine, 50 ans plus tard. L’équipe a utilisé l’imagerie cérébrale fonctionnelle pour examiner l’impact de cette exposition précoce sur les régions cérébrales des circuits de la mémoire qui sont riches en ces récepteurs de cytokines et récepteurs d’hormones sexuelles et qui présentent des différences de développement et de fonctionnement selon le sexe dès le développement fœtal.
- des niveaux élevés d’IL-6 et de TNF-a chez les mères pendant la grossesse sont liés à des différences d’activité cérébrale ;
- ces différences sont défavorables différemment selon le sexe, notamment dans les circuits de la mémoire plus tard dans la vie : cet effet négatif est plus significatif chez les femmes, après la ménopause ;
- ces femmes ménopausées, autrefois exposées à l’inflammation maternelle in utero, expriment ces mêmes marqueurs pro-inflammatoires à la cinquantaine ;
- l’impact de ces marqueurs immunitaires intervient également à l’enfance, et se manifeste par une réduction des performances cognitives des enfants à l’âge de 7 ans ;
- cette activité immunitaire maternelle prénatale élevée apparaît également contribuer au développement d’une sensibilité accrue au stress et au système immunitaire chez la progéniture, ce qui constitue d’autres facteurs de prédisposition aux troubles de la mémoire, comme la maladie d’Alzheimer, plus tard dans la vie ;
- l’effet de l’exposition in utero à l’inflammation maternelle est dépendant du sexe ;
- l’inflammation maternelle impacte ainsi les circuits et le fonctionnement de la mémoire à long terme de la progéniture pendant l’enfance et à la cinquantaine,
- avec des schémas différents pour les hommes et les femmes.
L’un des auteurs principaux, le Dr Jill M. Goldstein, professeur de psychiatrie et de médecine à la Harvard Medical School conclut : « Le vieillissement cérébral est également lié au développement cérébral, et il est essentiel de comprendre les différences entre les sexes dans le développement cérébral pour comprendre les différences entre les sexes dans le cerveau vieillissant. C’est pourquoi il est essentiel de comprendre les origines fœtales de la maladie d’Alzheimer, qui, comme de nombreuses maladies chroniques, se développe tout au long de la vie et est influencée par le développement précoce ».
La recherche se poursuit et continue à suivre les participants qui vieillissent, avec un suivi des niveaux d’amyloïde et d’autres mesures de marqueurs de la maladie d’Alzheimer. Mieux comprendre comment l’activité immunitaire maternelle influence le développement du cerveau du fœtus puis son vieillissement permettra peut-être d’intervenir plus tôt et de réduire un peu l’incidence de la maladie d’Alzheimer. Pour les prochaines générations.
Source: Molecular Psychiatry 20 Nov, 2024 DOI: 10.1038/s41380-024-02798-w Prenatal immune origins of brain aging differ by sex
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