Surmonter ce défi que représente la barrière hémato-encéphalique pour administrer des traitements jusqu’au cerveau, c’est l’objectif que s’est donné cette équipe de l’Université de Newcastle. Cette équipe propose un auto-assemblage peptidique, « à poils », qui pourrait relever le défi pour l’ensemble des maladies neurologiques et neurodégénératives. La technique, présentée dans la revue Nature Communications, ouvre un nouveau paradigme pour le traitement de ces maladies, et le franchissement d'autres barrières biologiques -comme certaines muqueuses par exemple- qui constituent des obstacles à la délivrance de médicaments.
Une des raisons pour lesquelles les traitements neurologiques sont souvent inefficaces est la barrière hémato-encéphalique, un système de défense naturel qui empêche les agents nocifs de pénétrer dans le cerveau et bloque de la même manière de nombreuses molécules thérapeutiques. Mais pour la première fois, ces scientifiques ont identifié un moyen simple de transporter efficacement les médicaments dans le cerveau.
Un peptide de bactériophage à poils, chargé de principe actif
Il s’agit précisément d’un composant peptidique provenant d'un virus bactériophage qui cible le cerveau. Le peptide a été synthétisé et légèrement modifié et, lorsque de l'eau y a été ajoutée, il a spontanément formé une « petite particule poilue », précisent les chercheurs. Les scientifiques ont découvert que, lorsque la particule est injectée dans un modèle murin, elle cible le cerveau, traversant la barrière hémato-encéphalique, atteint les neurones et les cellules microgliales du cerveau. De plus, toujours chez ce modèle murin, la technique se montre sûre. Néanmoins, la technologie devra encore être testée chez des modèles animaux de différentes maladies neurologiques, avant de pouvoir passer aux essais cliniques.
Une avancée majeure dans la délivrance de médicaments au cerveau : les capillaires sanguins dans le cerveau ne sont pas perméables à de nombreux médicaments et la plupart d'entre eux sont exclus du cerveau par la barrière protectrice appelée barrière hémato-encéphalique. Certains virus, cependant, ont la capacité de contourner la barrière et de se glisser et d'entrer dans le cerveau. L’idée de base est donc d’utiliser ces virus, mais en les modifiant, afin de contourner la barrière et délivrer le médicament. Ces petites particules doivent être donc similaires en taille aux virus et constituées d'un peptide pouvant se comporter comme un vecteur et pouvant être rempli de médicaments initialement délivrés par injection intraveineuse.
Un système d’administration, de multiples applications : l’auteur principal, le Pr Moghimi se déclare très enthousiaste : « Notre système d’administration étant polyvalent et susceptible d’être modifié, nous pouvons en principe, en principe, nous attaquer à l’ensemble des carences de l’administration de médicaments par le cerveau par injection intraveineuse« . Ce mode de franchissement est adaptable, selon les chercheurs aux maladies du système nerveux central, dont les tumeurs au cerveau et à de nombreuses maladies neurologiques telles que la maladie de Parkinson, la maladie d'Alzheimer et la maladie de Huntington.
Une percée permise par pas moins de 10 années de recherche qui va permettre une administration combinée peu invasive par le biais d'une injection intraveineuse de divers médicaments, peptides et agents thérapeutiques dans le cerveau. Une petite révolution alors que le traitement des troubles neurologiques fait face à des difficultés pour « emballer » les virus en toute sécurité et les médicaments restent donc généralement administrés par injection dans le liquide céphalo-rachidien, ce qui n'est pas sans risque.
« Nous avons encore beaucoup de chemin à parcourir », concluent les chercheurs, mais nous espérons que notre plateforme technologique offrira de nombreuses opportunités pour traiter les maladies neurodégénératives ». Un espoir, en regard de l'incidence des troubles neurologiques en augmentation plus rapide que toute autre catégorie de maladies dans le monde.
Source: Nature Communications 11 October 2019 Crossing the blood-brain-barrier with nanoligand drug carriers self-assembled from a phage display peptide (Visuel Professor Moein Moghimi, Newcastle University, UK)
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