C’est une prouesse réalisée par des scientifiques du Max-Planck-Gesellschaft : ils parviennent à suivre, ici dans des cerveaux de poissons – qui doivent intégrer des informations sensorielles pour prendre leurs décisions de navigation- tout le processus biologique de la prise de décision. Des travaux passionnants, présentés dans la revue Nature Neuroscience, qui montrent qu'il est aujourd'hui possible de décrypter comment une décision se propage dans le cerveau.
Souvent même sans nous en rendre compte, nous prenons d'innombrables décisions, tourner à gauche ou à droite, attendre ou accélérer, observer ou ignorer. Dans la perspective de ces décisions, le cerveau évalue les informations sensorielles et génère ensuite notre comportement. Pour la première fois, ces scientifiques parviennent à suivre ce processus de prise de décision dans le cerveau d'un vertébré, le poisson zèbre, un modèle bien connu des recherches sur le cerveau.
Suivre le processus de prise de décision dans le cerveau, des stimuli à la réponse comportementale
Un modèle de cerveau translucide idéal pour la recherche : les jeunes poissons zèbres sont minuscules et leur cerveau n'est pas beaucoup plus gros que celui d'une mouche. De plus il est presque transparent, ce qui permet aux chercheurs de voir tout « ce qui se passe ». L’auteur principal, Elena Dragomir, explique que le poisson zèbre qui doit décider pour s’orienter est un bon « paradigme comportemental » pour étudier la prise de décision. De plus l’équipe a utilisé l’optogénétique pour suivre la décision du poisson. Lorsque le poisson dérive avec un courant, une image de l'environnement passe devant ses yeux. Les poissons vont nager dans la direction du flux optique perçu pour éviter la dérive. Les points en mouvement peuvent déclencher cette réponse optomotrice en laboratoire, et le poisson tournera à gauche ou à droite, en fonction de la direction des points en mouvement. Les chercheurs peuvent également faire varier la difficulté de la décision en modifiant la force du stimulus visuel : ainsi, si un pourcentage plus élevé de points se déplace dans une direction, le poisson tournera plus rapidement et de manière plus fiable dans la bonne direction.
Une réponse immédiate à un stimulus sensoriel : Ici, au microscope, les chercheurs constatent que le cerveau du poisson enregistre tout le flux de points en mouvement et intègre ce mouvement directionnel dans le temps. Une fois que son cerveau a accumulé suffisamment de données, il déclenche sa décision de nager dans la direction perçue du mouvement. Ainsi, la décision de direction ou de rotation prise par le poisson est directement en corrélation avec le modèle de mouvement des points, tel que perçu. Cette accumulation d'informations sensorielles au fil du temps déterminante chez le poisson, fait également partie des modèles de prise de décision chez d'autres espèces animales.
Identifier les zones impliquées : chez le poisson-zèbre, les chercheurs se montrent ici capables de cartographier presque toutes les zones cérébrales activées lors de ce processus de décision (Visuel) : des amas neuronaux dans la zone du thalamus, par exemple, traitent l’input visuel. Les neurones du cerveau postérieur déclenchent les mouvements de rotation et de nage. Dans le « noyau interpédonculaire », une zone de l'habenula, les chercheurs observent des profils d'activité fortement corrélés au taux de rotation du poisson.
Bref, ce sont de toutes nouvelles possibilités d’étude du flux de données en cause lors de la prise de décision, dans le cerveau des vertébrés, qui s’ouvrent avec ces travaux. De premières données qui ouvrent la possibilité de mieux comprendre certaines maladies neurologiques, dont l’aboulie, l'absence de capacité de décision, dans sa forme la plus extrême.
Source : Nature Neuroscience 02 December 2019 Evidence accumulation during a sensorimotor decision task revealed by whole-brain imaging (Visuel MPIN / Julia Kuhl)
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