Comment la population et notamment les plus âgés font-ils face aux effets du COVID-19 sur la santé mentale ? Cette analyse de médecins de l’Hôpital McLean (Massachusetts), publiée dans le Journal de l’American Medical Association (JAMA) révèle des niveaux élevés de résilience chez de nombreuses personnes et précise les facteurs qui la favorisent. Des données d'un optimisme « prudent », car si les plus âgés « résistent », la résilience de chacun dépend d'un ensemble unique de facteurs
Cependant, globalement, le groupe des adultes plus âgés semble mieux résister aux tensions de santé mentale liées à la pandémie COVID-19 et aux mesures de confinement et de distanciation que les autres groupes d’âge, révèle en effet l’analyse. Pourtant, les personnes âgées sont les vulnérables aux effets de la maladie, avec des risques plus élevés de complications graves et de décès, plus de difficultés à accéder aux soins intensifs et à s'adapter aux nouvelles technologies telles que la télémédecine. L’hypothèse d’un plus grand impact de l'isolement pendant la pandémie chez les personnes âgées, qui pourrait également aggraver les problèmes de santé mentale a été fréquemment énoncée. Cependant, cette nouvelle analyse apporte une image beaucoup plus nuancée.
Une pandémie caractérisée par une grande incertitude
Les auteurs notent que la pandémie s’est développée sans calendrier défini ni avec une fin claire en vue, jusqu’à l’espoir récent de l’arrivée de vaccins. En dépit de cet espoir, les effets à long terme du COVID-19 sur la santé et plus précisément sur la santé neurologique et mentale restent incertains. De nombreuses personnes forment en cela une cible évaluée jusque-là comme plus vulnérable. Cette étude montre une réponse au stress plus faible et, en général, une meilleure régulation émotionnelle et un meilleur bien-être que les adultes plus jeunes, bref une meilleure résilience. Contrairement aux premières hypothèses, les adultes plus âgés en tant que groupe peuvent être plus résistants à l'anxiété, à la dépression et aux troubles de santé mentale liés au stress, caractéristiques des populations plus jeunes pendant cette phase de la pandémie COVID-19.
Quel fardeau mental ? Environ 8 mois après le début de la pandémie, plusieurs études indiquaient déjà que les adultes plus âgés pourraient être moins affectés sur le plan de leur santé mentale : en août 2020, les Centers for Disease Control and Prevention (CDC) ont publié une enquête, menée du 24 au 30 juin 2020, auprès de 5.412 adultes vivant en communauté aux États-Unis, concluant que :
- les participants âgés de 65 ans ou plus présentaient des prévalences réduites de trouble anxieux (6,2%), de trouble dépressif (5,8%) ou de SSPT (9,2%)
- vs les participants d'âge plus jeune. Les plus jeunes en revanche (18 à 24 ans) étaient plus nombreux à souffrir de trouble anxieux (49%), de dépression (52%) et de SSPT (46%).
- Les adultes d’âge moyen (45 à 64 ans) étaient moins nombreux à avoir développé un trouble anxieux (16%), des symptômes dépressifs (16%) et 17,2% un SSPT.
- Les adultes plus âgés, comparés aux autres groupes d'âge, signalent enfin des taux plus faibles de consommation de substances et d'idées suicidaires au cours des 30 jours précédents (3% et 2%, respectivement).
Ces résultats sont cohérents avec ceux d’études menés dans d’autres pays.
Ces différentes données documentées ne correspondent qu’aux effets des premiers mois de la pandémie. Les effets à long terme du COVID-19 pourraient être plus sévères et la prévalence de l’anxiété et de la dépression pourrait gagner en population générale, alertent les auteurs. Ensuite, ces résultats plutôt positifs chez les personnes âgées ne reflètent pas nécessairement les spécificités du même groupe d’âge résidant en institution.
Sur la résilience : les chercheurs confirment des niveaux surprenants de résilience chez les plus âgés : «Au printemps et à l'été 2020, nous avons été frappés par un certain nombre d'études dans le monde qui parvenaient à la même conclusion : les personnes âgées, en tant que groupe, semblent mieux résister en santé mentale que tous les autres groupes d'âge », confirme l’auteur principal, le Dr Ipsit Vahia, directeur médical des services ambulatoires de psychiatrie gériatrique de l'hôpital McLean.
Quels facteurs de résilience ? La résilience peut refléter une interaction entre plusieurs facteurs internes, tels que la réponse au stress, la capacité cognitive, les traits de personnalité et la santé physique et des facteurs externes comme les relations sociales et le niveau de revenus.
- Des relations sociales solides : pour les personnes âgées isolées pendant la pandémie, avoir des relations sociales solides semble être un facteur plus important que de réellement avoir des d'interactions « physiques » avec les autres, et le maintien de ces relations peut se satisfaire, dans une certaine mesure, avec l'utilisation de la technologie pour se connecter avec les proches.
- Une activité physique accrue, plus de compassion et un meilleur contrôle émotionnel participent également à cette résilience face à la pandémie.
De premières conclusions « d’un optimisme prudent », qui peuvent ne pas refléter les réalités individuelles : « Les personnes âgées forment un groupe très diversifié, et la réponse de chaque personne au stress de la pandémie dépend d'un ensemble unique de facteurs ».
Source: JAMA November 20, 2020 DOI : 10.1001/jama.2020.21753 Older Adults and the Mental Health Effects of COVID-19
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