En mettant au point un moyen de suivre par EEG le flux de nos processus internes de pensée et donc de savoir si l’esprit est concentré, au repos, ou « errant », ces neurologues de l’Université de Californie Berkeley aboutissent à des signatures électrophysiologiques spécifiques à base d’ondes cérébrales des différentes dynamiques de pensée essentielles à la cognition humaine. Ces travaux, publiés dans les Actes de l’Académie des Sciences américaine (PNAS) marquent un pas vers une meilleure compréhension des troubles psychiatriques caractérisés par une « pensée désordonnée ».
Par ailleurs, en suggérant que la relaxation, l'exploration et la créativité passent à la fois par un état d’harmonie avec le monde extérieur et une pensée libérée ou une sorte « d’errance mentale », l’étude apporte quelques indices à ceux qui ont tenté de méditer mais ont échoué.
L’errance mentale est une caractéristique constitutive de la cognition
Les chercheurs utilisent un électroencéphalogramme (EEG) pour mesurer l'activité cérébrale de 39 participants en train d’effectuer une tâche nécessitant de l’attention, et devaient répondre à des questions « d'échantillonnage » en évaluant si leurs pensées pendant la tâche avaient été liées à la tâche, libres, délibérément liées à la tâche ou toujours contraintes. Pour se préparer à l'étude, les participants avaient appris la différence entre ces 4 catégories de pensées. Les chercheurs ont ensuite rapproché les mesures EEG avec chaque type de pensée et identifié des modèles ou signatures électrophysiologiques associés de manière spécifique aux pensées dynamiques et indépendantes de la tâche, suggérant que ces mesures neuronales signent l'hétérogénéité des pensées en cours. Entre autres signatures,
- une augmentation des ondes cérébrales alpha dans le cortex frontal est caractéristique d’une « pensée spontanée et sans contrainte » ou pensée libre, qui saute spontanément d’un sujet à un autre (Les ondes alpha étant des ondes lentes dont la fréquence varie de 9 à 14 cycles par seconde) ;
- des signaux cérébraux plus faibles (P3) dans le cortex pariétal constituent un marqueur neuronal d’un manque d’attention dans la tâche à accomplir.
L’errance mentale est une caractéristique positive de la cognition : « les esprits des bébés et des jeunes enfants semblent vagabonder constamment », écrivent les auteurs, « et nous nous sommes donc demandé quelles fonctions cela pourrait servir. Notre recherche suggère que l'errance mentale est autant une caractéristique positive de la cognition qu'une « bizarrerie » et explique quelque chose que nous vivons tous. Si vous vous concentrez tout le temps sur vos objectifs, vous risquez de passer à côté d’informations importantes. Avoir un processus de pensée d'association libre qui génère au hasard des souvenirs et des expériences imaginatives peut vous conduire à de nouvelles idées et de nouvelles perspectives ».
Au-delà de signatures qui distinguent différents modèles de pensée, l’étude identifie des marqueurs d’une pensée désordonnée, souligne l'auteur principal de l'étude, Robert Knight, professeur de psychologie et de neurosciences à l'UC Berkeley.
« La capacité de détecter nos schémas de pensée grâce à l'activité cérébrale va ensuite permettre de développer de nouvelles stratégies permettant de réguler le déroulement des pensées dans un éventail de troubles psychiatriques et de l’attention ».
Source: Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS) January 26, 2021 DOI : 10.1073/pnas.2011796118 Distinct electrophysiological signatures of task-unrelated and dynamic thoughts
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