Ce n’est pas la première étude à identifier une corrélation entre les niveaux de lipides et le développement de troubles mentaux. Suivant le concept de l’axe intestin-cerveau, une récente étude vient de montrer, sur un modèle animal, comment un déséquilibre du microbiote induit une baisse des niveaux de certains lipides essentiels, ce qui favorise l’émergence d’un état dépressif. Cette nouvelle recherche d’une équipe de la Penn State suggère à son tour, dans la revue Bipolar Disorders, que l’ajustement de l’apport en acides gras pourrait réduire la variabilité de l’humeur, ici dans les troubles bipolaires.
Les troubles bipolaires affectent jusqu’à 2,4 % de la population, sont caractérisés par des états d’humeur cycliques et anormalement euphoriques et/ou dépressifs. Pendant les épisodes aigus, les parties du cerveau qui régulent les émotions sont sous-actives, ce qui entraîne soit des manifestations maniaques, soit dépressives. Entre ces épisodes, les symptômes comprennent la douleur, l’anxiété, l’impulsivité et l’irritabilité.
Un régime alimentaire pour rompre le cycle des troubles de l’humeur
La question posée est celle de recommandations diététiques spécifiques destinées aux patients bipolaires qui leur permettraient de mieux gérer leurs troubles et de soulager leurs symptômes. Ces essais cliniques suggèrent en effet qu’un régime conçu pour modifier les niveaux d’acides gras spécifiques consommés par les participants peut les aider à maintenir une humeur plus égale.
« En tant que cliniciens, si nous pouvons aider nos patients à mieux contrôler ces symptômes entre les épisodes, cela pourrait aider à réduire le nombre de cycles dans lesquels ils rechutent après des épisodes aigus », précise l’auteur principal, le Dr. Erika Saunders, présidente du département de psychiatrie et de santé comportementale du Penn State Health Medical Center.
Quelles interventions diététiques spécifiques pour aider les patients bipolaires ? Les chercheurs ont conçu un régime alimentaire, pour modifier les niveaux d’acides gras polyinsaturés spécifiques – des nutriments présents dans de nombreux aliments. Les participants ont suivi ce régime alimentaire ainsi que leur traitement par médicaments stabilisateurs de l’humeur. De précédentes recherches ont d’ailleurs montré que ces médicaments modifient la façon dont les corps décomposent ou métabolisent les acides gras.
Les chercheurs émettent ici l’hypothèse qu’en modifiant le type et la quantité d’acides gras consommés, le corps pourrait générer des métabolites spécifiques, qui participent à la réduction de la douleur ou de l’inflammation.
Le régime expérimental consiste à réduire la consommation d’acides gras oméga-6 en limitant la viande rouge, les œufs et certaines huiles, et à augmenter la consommation d’acides gras oméga-3 en ajoutant des graines de lin et des poissons gras comme le thon et le saumon. L’expérience a été menée auprès de plus de 80 personnes atteintes de troubles bipolaires sur une période de 12 semaines. 2 fois par jour, les participants renseignaient sur mobile leur humeur ainsi que certains symptômes, dont la douleur. Enfin, les participants ont également subi régulièrement des analyses de sang afin de mesurer les niveaux d’acides gras et leur évolution avec le nouveau régime alimentaire. L’expérience montre que :
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le régime expérimental réduit la variabilité de l’humeur chez les patients bipolaires.
Les auteurs préfèrent ne pas recommander encore ce type de régime aux patients bipolaires, bien qu’il soit sans danger, et réaliser des études de suivi supplémentaires. Cependant, ainsi qu’à la lumière d’autres études récentes, la piste nutritionnelle apparaît très prometteuse pour réguler l’humeur.
Source: Bipolar Disorders 13 Sept, 2021 DOI: 10.1111/bdi.13112 Adjunctive dietary intervention for bipolar disorder: a randomized, controlled, parallel- group, modified double-blinded trial of a high n- 3 plus low n- 6 diet
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