Des ondes cérébrales qui parcourent le cortex humain semblent s’activer pour synchroniser des fragments disparates et distants de la mémoire, les réunissant pour former des souvenirs. Ces travaux d’une équipe de neuroscientifiques de l’Université de Californie – San Diego éclairent, dans les Actes de l’Académie des Sciences américaine (PNAS) un mystère fondamental du cortex humain : comment ses 16 milliards de neurones intègrent et corrèlent les différents types de données pour les consolider en une expérience unique, unifiée et cohérente.
L’hypothèse émise par ces scientifiques est celle d’oscillations à haute fréquence ou des « ondulations » boostant et favorisant les interactions neuronales, un peu comme le fait le rythme dans la musique. Ces travaux apportent les premières preuves empiriques de l’existence de telles ondulations dans le cerveau humain.
L’auteur principal, Eric Halgren, professeur de radiologie à l'UC San Diego prend pour exemple l'expérience de caresser son chat : « sa forme, sa posture, son environnement, sa couleur, sa sensation, son mouvement et les sons qu’il émet, ainsi que vos propres émotions forment un tout cohérent. Ces différents aspects de l'expérience sont encodés dans des emplacements répartis sur toute la surface corticale du cerveau et pourtant sont connectés puis combinés en une expérience et un souvenir uniques ».
Des ondulations corticales rassemblent les fragments et forment les souvenirs
De précédentes études chez l’animal avaient montré que des ondulations dans une structure différente, l'hippocampe, pendant le sommeil, favorisaient la consolidation des souvenirs. Avec cette nouvelle recherche, l’équipe de San Diego constate que des ondulations se produisent également dans toutes les zones du cortex humain, durant la veille comme au cours du sommeil. Ces ondulations brèves, d'une durée d'environ un dixième de seconde qui suivent une fréquence proche de 90 cycles par seconde peuvent impliquer chacune l’activation simultanée d’environ 5 000 petits modules (ou fragments de souvenirs) répartis sur toute la surface corticale. Ces ondulations sont synchronisées dans tous les lobes et entre les deux hémisphères, même sur de longues distances et les neurones corticaux augmentent leur activité pendant les ondulations et au rythme des ondulations, soutenant ainsi cette corrélation entre emplacements distants. Ces co-occurrences précèdent un rappel de mémoire réussi.
Les ondulations corticales sont souvent couplées à des ondulations hippocampiques et intégrées dans des oscillations plus lentes (1 et 12 cycles par seconde). Ces rythmes plus lents sont orchestrés par une structure centrale, le thalamus, qui contrôle les niveaux d'activité corticale et module la décharge neuronale nécessaire à la consolidation de la mémoire.
Cette recherche basée sur les analyses d'enregistrements effectués sur une semaine, directement à partir de l'intérieur du cerveau de 18 patients épileptiques, améliore la compréhension de la mémoire avec de possibles implications pratiques : ainsi, la schizophrénie se caractérise par une fragmentation mentale qui pourrait peut-être être réduite par la génération d'ondulations.
« Peut-être sommes-nous sur le point de trouver un traitement pour cette maladie tragique », espèrent les chercheurs.
Source: Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS) 7 July, 2022 DOI :10.1073/pnas.2107797119 Widespread ripples synchronize human cortical activity during sleep, waking, and memory recall
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