Si l’axe intestin-cerveau commence à être bien documenté, dont ses « effets » sur différents troubles neurologiques, la manière dont les microbes intestinaux communiquent avec le cerveau reste encore un mécanisme mal compris. Cette étude de neurologues et de bioingénieurs du Baylor College of Medicine vient de développer l’un des premiers outils permettant ce suivi : ce protocole, documenté dans la revue Nature Protocols apporte une première feuille de route pour mieux comprendre le système de circulation complexe entre l'intestin et le cerveau mais aussi ses effets sur la santé.
Ces 10 dernières années, les recherches se sont succédées pour documenter l'importance de cette communication bidirectionnelle entre les microbes du tractus gastro-intestinal et le cerveau, connue sous le nom d'axe intestin-cerveau. Ces « conversations » peuvent en effet moduler un réseau complexe de signaux chimiques dérivés de microbes et du cerveau, deux « intervenants » que les scientifiques ont des difficultés à découpler : L’auteur principal, le Dr Thomas D. Horvath, professeur de pathologie et d'immunologie au Baylor College of Medicine et au Texas Children's Hospital explique : « il est difficile de déterminer quelles espèces microbiennes entraînent des altérations cérébrales spécifiques dans un organisme vivant. Ce nouvel outil permet d'étudier les connexions entre les microbes intestinaux et le cerveau ».
Un protocole d'identification et d'évaluation complète des métabolites,
ou composés produits par les microbes, à la fois aux niveaux cellulaire et de l’organisme entier.
Le tractus gastro-intestinal abrite une communauté riche et diversifiée de micro-organismes bénéfiques ou microbiote intestinal. En plus de leur rôle clé de maintien de l’équilibre intestinal, les microbes intestinaux sont de mieux en mieux reconnus pour leur influence sur d'autres organes distants, dont le cerveau. Les microbes intestinaux peuvent communiquer avec le cerveau par plusieurs voies, notamment en produisant des métabolites, tels que des acides gras à chaîne courte et des peptidoglycanes, des neurotransmetteurs, tels que l'acide gamma-aminobutyrique et l'histamine, ainsi que des composés qui modulent le système.
Plusieurs études ont démontré des liens entre le microbiome intestinal et l'anxiété, l'obésité, l'autisme, la schizophrénie, la maladie de Parkinson et la maladie d'Alzheimer, documentant ainsi le rôle des microbes dans la santé du système nerveux central (SNC).
Une feuille de route pour comprendre le système de circulation complexe sur l'axe intestin-cerveau
Pour mieux comprendre comment un type de microbe peut influencer l'intestin et le cerveau, les chercheurs ont cultivé des microbes en laboratoire, collecté et analysé les métabolites qu'ils produisaient, à l'aide de la spectrométrie de masse et de la métabolomique. Ils ont ensuite évalué les effets des métabolites sur des modèles de laboratoire constitués de cellules intestinales humaines ou « mini-intestins », des organoïdes qui conservent les propriétés de l'intestin grêle et sont physiologiquement actifs.
« Le même protocole peut être élargi à toute une communauté de microbes », expliquent les auteurs. « Nous sommes désormais en mesure d’étudier comment les communautés microbiennes travaillent ensemble et influencent l'hôte de manière synergique. Nous avons désormais une feuille de route pour comprendre le système de circulation complexe entre l'intestin et le cerveau ».
Une des applications consistera à créer des communautés de microbes bénéfiques qui pourraient favoriser le maintien d'un corps et d’un cerveau en bonne santé. Enfin, ce protocole offre également un moyen d'identifier de nouveaux traitements, lorsqu’une mauvaise communication entre l'intestin et le cerveau est en cause dans une maladie.
Source: Nature Protocols Nov, 2022 DOI : 10.1038/s41596-022-00767-7 Interrogation of the mammalian gut–brain axis using LC–MS/MS-based targeted metabolomics with in vitro bacterial and organoid cultures and in vivo gnotobiotic mouse models
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