Mieux comprendre les obstacles au système de réparation du cerveau, après une lésion cérébrale traumatique, va permettre de développer les bons médicaments pour atténuer les symptômes neurologiques et traiter les traumatismes cérébraux. Ces travaux menés in vivo, par une équipe de l'Université du Maryland et publiés dans la revue Autophagy révèlent que le trauma interfère avec le processus de recyclage des cellules du système immunitaire dans les cellules cérébrales.
Cette découverte suggère que le développement de médicaments permettant de promouvoir ce type de recyclage, mieux connu sous le nom d'autophagie, pourrait accélérer la réduction des lésions cérébrales traumatiques qui peuvent entraîner une invalidité longue et douloureuse.
Relancer l’autophagie pour éclaircir le cerveau
L’étude : l’équipe de l’UMSOM s’est concentrée sur « ce qui se passe dans le cerveau » lors d'une telle blessure, chez des souris modèles de choc traumatique. Les chercheurs observent que :
- après une lésion cérébrale traumatique, la fonction de recyclage interne des cellules du système immunitaire du cerveau ralentit considérablement, permettant aux déchets de s'accumuler ce qui interfère avec la récupération.
- le traitement de ces modèles ayant subi une lésion cérébrale traumatique avec un médicament favorisant le recyclage cellulaire améliore leur capacité récupérer d’une telle blessure : en pratique, ces souris traitées s’échappent à nouveau plus rapidement d’un labyrinthe aquatique (un test courant de mesure de la fonction cognitive).
L’espoir de nouveaux traitements : l’auteur principal, le Dr Marta Lipinski, professeur d'anesthésie, d'anatomie et de neurobiologie à l'UMSOM commente ces résultats : « il existe de nombreux médicaments et thérapies pour traiter les lésions cérébrales traumatiques, mais aucun ne fonctionne vraiment bien en pratique. La conception de médicaments favorisant ce recyclage cellulaire pourrait permettre d’inverser ou même de prévenir les dommages causés par les lésions cérébrales traumatiques, comme nous l’observons ici sur les animaux modèles. Nous en apprenons toujours plus sur les mécanismes moléculaires en cause dans les traumatismes, ce qui nous permet d’espérer de nouvelles solutions ».
Quels mécanismes ? Les cellules du corps recyclent régulièrement leurs propres déchets ou cellules endommagées par l'usure normale, une infection ou une blessure,
via un processus connu sous le nom d'autophagie.
La plupart des cellules du cerveau utilisent ce processus pour nettoyer leurs propres déchets et les recycler. Une précédente recherche de la même équipe avait montré que les lésions cérébrales traumatiques réduisaient la capacité des neurones à recycler leurs propres parties endommagées, ce qui induisait la mort de ces neurones. Pourtant, certaines cellules du cerveau peuvent accomplir un recyclage surprenant, il s’agit des cellules immunitaires résidentes du cerveau appelées microglies, qui peuvent engloutir, digérer et recycler des cellules entières endommagées ou mortes dans les tissus.
Après une lésion cérébrale traumatique, les globules blancs – normalement exclus par la barrière hémato-encéphalique – peuvent également pénétrer dans le cerveau et travailler aux côtés des cellules de la microglie pour dévorer et éliminer les cellules endommagées. Mais ici, l’équipe montre qu’après une lésion cérébrale traumatique, comme les neurones, la fonction de recyclage de la microglie et des globules blancs est totalement compromise.
Cette découverte de la suppression de la fonction de recyclage dans les neurones et les cellules immunitaires, après une lésion traumatique, démontre à quel point il est important pour les neuroscientifiques de comprendre pleinement les mécanismes complexes en jeu dans une lésion cérébrale traumatique. Cette nouvelle compréhension va permettre le développement de nouveaux médicaments efficaces qui relancent cet écosystème du cerveau. L’équipe démontre en effet que le rebooster peut considérablement atténuer l'impact du traumatisme.
Un médicament prometteur : on retrouve ici la rapamycine (normalement utilisée comme médicament anticancéreux ou pour prévenir le rejet d'organes), qui favorise le recyclage cellulaire dans le cerveau de souris ayant subi une lésion cérébrale traumatique. Avec ce traitement, les souris présentent des niveaux d'inflammation dans le cerveau réduits et retrouvent leurs capacités cognitives. En pratique, la rapamycine favorise l’expression d’un ensemble de protéines qui sont importantes pour régénérer les cellules.
L’autophagie se confirme comme un mécanisme « cible » pour prévenir les dommages neurologiques voire permettre au cerveau de mieux se régénérer.
Source: Autophagy Jan, 2023 DOI: 10.1080/15548627.2023.2167689 Inhibition of autophagy in microglia and macrophages exacerbates innate immune responses and worsens brain injury outcomes