Les accidents vasculaires cérébraux (AVC) pourraient causer près de 10 millions de décès par an d'ici 2050, principalement dans les pays à revenus faibles et intermédiaires, et coûter jusqu'à 2.000 milliards de dollars chaque année dans le monde, alerte ce large bilan, publié dans le Lancet Neurology. Cette commission d’experts en neurologie de la World Stroke Organization suggère aussi des solutions pratiques pour réduire au maximum ce fardeau, pour les patients, les systèmes de santé et nos sociétés.
L’accident vasculaire cérébral (AVC) est une cause majeure de décès et d’invalidité, et son impact mondial ne cesse de s’aggraver. Si les tendances actuelles en matière d’AVC se poursuivent, les cibles des objectifs de développement durable relatives aux maladies non transmissibles ne seront pas atteintes. Cette commission de neurologues de l'Organisation mondiale de l'AVC et du Lancet prévoit son futur impact épidémiologique, sanitaire et économique et identifie des recommandations fondées sur des preuves pour optimiser 4 axes de réduction de la maladie : la surveillance, la prévention, le traitement et la réadaptation.
L’un des auteurs principaux, le Dr Valery L. Feigin, professeur à l'Université d'Auckland (Nouvelle-Zélande) commente ces tendances : « les AVC ont déjà un énorme impact sur la population mondiale, entraînant le décès et l'invalidité permanente de millions de personnes chaque année, et coûtant des milliards de dollars à la population mondiale. Prédire avec précision les impacts sanitaires et économiques de l’AVC dans les décennies à venir est complexe, étant donné les niveaux d’incertitude mais ces estimations aboutissent toujours à une même conclusion, un fardeau toujours croissant de l’AVC, sauf à mettre en œuvre des mesures urgentes de surveillance de prévention et de traitement ».
Sauf à mettre en œuvre des mesures urgentes de surveillance, de prévention et de traitement
- L’analyse épidémiologique prévoit que les décès liés aux AVC vont augmenter de 6,6 millions en 2020 à 9,7 millions en 2050, avec un écart toujours plus grand entre les pays à revenu faible et intermédiaire et les pays à revenu élevé. En 2050, 91 % des décès par AVC pourraient ainsi survenir dans les pays à revenu faible et intermédiaire.
- L'analyse économique indique que le traitement, la rééducation et les coûts indirects (perte de productivité) de l'AVC pourraient plus que doubler, passant de 891 milliards de dollars en 2020 à 2.300 milliards de dollars américains en 2050.
- Sur un plan sanitaire, les experts rappellent que l’AVC est largement évitable et traitable grâce à des solutions pragmatiques qui ont fait leurs preuves. Les chercheurs montrent que la mise en œuvre de ces recommandations permettrait une réduction drastique du fardeau mondial de l’AVC. Cependant, si ces mesures n’étaient pas mises en œuvre,
la mortalité liée à l’AVC devrait augmenter de 50 % d'ici 2050
pour atteindre 9,7 millions de décès chaque année, dont une très grande majorité dans les pays à revenus faibles ou intermédiaires ;
alors que le taux de mortalité mondial chez les personnes âgées de plus de 60 ans devrait diminuer de 36 % (de 566 décès pour 100.000 en 2020 à 362 pour 100.000 en 2050), chez les moins de 60 ans, il devrait diminuer de moins de 25 % (13 pour 100.000 en 2020 à 10 pour 100.000 en 2050). Cependant, une moindre réduction chez les jeunes pourrait être liée aux niveaux croissants de diabète et d'obésité ;
Quelles recommandations pratiques ? Les recommandations listées par les auteurs sont toutes fondées sur des preuves et visent à améliorer la surveillance, la prévention et les soins aigus de l’AVC et la réadaptation. Afin d’identifier les principaux obstacles et facteurs de surveillance, de prévention, de soins et de réadaptation, les experts ont mené une analyse qualitative d'entretiens approfondis avec 12 experts de l’AVC.
- Parmi les principaux obstacles identifiés figurent la faible sensibilisation à l’AVC et à ses facteurs de risque (notamment l'hypertension artérielle, le diabète de type 2, l'hypercholestérolémie, l'obésité, une mauvaise alimentation, la sédentarité et le tabagisme), ainsi que des données de surveillance limitées sur les facteurs de risque, les événements, leur prise en charge et leurs conséquences.
- Parmi les principaux facteurs facilitateurs, les organisations et réseaux de santé spécialisés dans la prise en charge des AVC et, plus largement, un accès élargi aux soins de l'AVC fondés sur des preuves.
- En synthèse, 12 recommandations fondées sur des preuves sont formulées, dont les principales sont les suivantes :
- la mise en place de systèmes de surveillance à faible coût pour fournir des données épidémiologiques précises, guider la prévention et le traitement ;
- la sensibilisation du public et toujours les interventions permettant d’améliorer les modes de vie ;
- la priorité donnée à une planification efficace des services de soins de l’AVC aigu, au renforcement de ces capacités, à la formation, à la fourniture d’équipements appropriés, de traitements et de médicaments abordables ;
- l’adaptation des recommandations aux contextes régionaux (ressources) ;
- le développement d’écosystèmes locaux, nationaux et régionaux impliquant toutes les parties prenantes concernées pour co-créer, co-mettre en œuvre la surveillance, la prévention, les soins et la réadaptation.
Le financement de ces mesures est donc simultanément une priorité : « l’un des défis les plus courants dans la mise en œuvre des recommandations en matière de prévention et de soins de l’AVC est le manque de financement », expliquent les chercheurs, qui recommandent la taxation des produits malsains (tels que le sel, l'alcool, les boissons sucrées, les acides gras trans) par chaque gouvernement. Ainsi, soulignent les chercheurs de nombreuses mesures ciblées sur l’AVC pourraient également des avantages qui vont bien au-delà.
En mettant en œuvre les recommandations de la Commission sur ces 4 axes, surveillance, prévention, soins aigus et réadaptation,
il reste encore possible de réduire ce fardeau mondial de l’AVC
et déjà considérablement au cours de cette décennie.
« Non seulement cela nous permettra d’atteindre l’objectif de développement durable (OMD) mais cela permettrait aussi d’améliorer la santé cérébrale et le bien-être de millions de personnes à travers le monde, aujourd’hui et bien après 2030 ».
Source: The Lancet Neurology 9 Oct, 2023 Pragmatic solutions to reduce the global burden of stroke: a World Stroke Organization–Lancet Neurology Commission
Plus sur l’AVC