Cet antidépresseur de « nouvelle génération », la fluoxétine (Prozac® ) pourrait aussi redonner une jeunesse aux neurones inhibiteurs du vieillissement, révèlent ces travaux du Picower Institute for Learning and Memory, du MIT (Cambridge), menés chez la souris et publiés dans le Journal of Neuroscience.
La perte cognitive causée plus par la perte de plasticité que la perte de cellules : la croyance commune voudrait en effet que la perte de neurones liée à la mort cellulaire pourrait expliquer les déficiences fonctionnelles et cognitives liées à l'âge. Cependant « cette perte est très limitée au cours du vieillissement normal et n’explique pas le déclin cognitif lié à l’âge », explique l'auteur principal Ronen Eavri et son collègue Elly Nedivi : « il semble plutôt que les altérations structurelles de la morphologie neuronale et des connexions synaptiques soient les facteurs les plus corrélés avec l'âge du cerveau et puissent donc être considérées comme la base physique du déclin lié à l'âge ».
La démonstration de la cause et de son inversion possible : ces travaux apportent en effet de nouvelles preuves que le déclin de cette capacité des cellules cérébrales à évoluer, appelée « plasticité », plutôt qu'une diminution du nombre total de cellules peut être à la base de déclins sensoriels et cognitifs associés au vieillissement cérébral normal. Les scientifiques montrent en particulier que les interneurones inhibiteurs du vieillissement, du cortex visuel des souris, restent tout aussi abondants au cours du vieillissement, mais que leurs « ramifications » se simplifient et deviennent beaucoup moins dynamiques et flexibles sur le plan structurel. Mais ils apportent aussi la preuve du concept qu’il est possible de restaurer une grande partie de la plasticité perdue dans les cellules, en donnant aux souris un médicament antidépresseur couramment utilisé, la fluoxétine (principe actif du Prozac).
La chute brutale de « l’indice de dynamisme » : dans l'étude, les chercheurs se sont concentrés sur le vieillissement des interneurones inhibiteurs, moins bien compris que celui des neurones excitateurs, mais au rôle clé dans la plasticité -essentielle pour l’apprentissage et la mémoire et pour l’acuité sensorielle. Les chercheurs se sont concentrés sur le cortex visuel. L’équipe a dénombré et suivi de façon chronique la structure des interneurones inhibiteurs chez des dizaines de souris âgées de 3, 6, 9, 12 et 18 mois et montre que les interneurones inhibiteurs conservaient la capacité de se remodeler dynamiquement à l'âge adulte, mais qu’en revanche, la plasticité atteint une limite puis décroît progressivement à partir d’environ 6 mois. Ainsi, entre 3 et 18 mois, les dendrites se simplifient progressivement présentant moins de branches et cela, avec une chute brutale de « l'indice de dynamisme » : à 3 mois, pratiquement tous les interneurones sont supérieurs à un indice crucial de 0,35, mais à 6 mois c’est le cas seulement de la moitié et à 18 mois, il « n’en reste aucun ».
La fluoxétine favorise le remodelage des branches de l’interneurone chez la souris : avec l’ajout du médicament dans l'eau potable à l’âge de 3 mois (en vert sur visuel du bas) et pendant 6 mois, 67% des cellules reprennent une nouvelle croissance à l'âge de neuf mois, ce qui montre que le traitement précoce peut inverser la diminution liée à l'âge de la plasticité des neurones du cortex visuel.
Cette découverte, chez la souris, que la fluoxétine peut atténuer la perte de plasticité liée à l'âge suggère l’espoir considérable une approche thérapeutique dans la réduction des déficits sensoriels et cognitifs associés au vieillissement.
Source: Journal of Neuroscience 14 August 2018 DOI: 10.1523/JNEUROSCI.0808-18.2018 Interneuron simplification and loss of structural plasticity as markers of aging-related functional decline (Visuel 2 Nedivi Lab/Picower Institute)
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