« On sous-estime l’intestin, mais il contrôle beaucoup plus que la digestion », écrit l’auteur principal de cette étude, le Dr. Candice Brown, chercheur à la West Virginia University School of Medicine : « Nos résultats suggèrent que l'AVC cible les deux cerveaux, le cerveau dans notre tête et le cerveau dans nos intestins ». Cette étude sur le microbiome montre qu'un accident vasculaire cérébral provoque aussi des anomalies intestinales, ici chez des modèles animaux. Une nouvelle preuve de cet axe intestin-cerveau et de la relation entre notre microbiote intestinal et notre santé cérébrale.
Le déséquilibre de la communauté bactérienne qui occupe l'intestin, le microbiome intestinal, ne provoque pas seulement une indigestion. Pour les personnes qui se remettent d'un accident vasculaire cérébral (AVC), le microbiome influe de manière significative sur leur récupération. L’étude suggère en effet que les microbiomes des patients victimes d'accident vasculaire cérébral (AVC) et même la structure de leurs intestins pourraient encore « dysfonctionner » un mois après l'AVC.
L’axe intestin-cerveau ou la manière dont l'intestin influence le cerveau et vice-versa est bien le centre d’intérêt de cette étude qui ajoute aux précédentes publiées sur le sujet, un effet persistant de l’AVC sur le microbiome. Ici, les chercheurs provoquent l’AVC chez l’animal, vs animaux témoins exempts d’AVC. Puis ils comparent les microbiomes des 2 groupes à 3, 14 et 28 jours post AVC et analysent les intestins au microscope. Cette analyse constate que :
- une famille de bactéries, les Bifidobacteriaceae est moins présente dans les modèles post-AVC que dans les modèles sains à 14 et 28 jours. Ces bactéries sont connues pour favoriser la santé digestive et ont déjà été associées à de meilleurs résultats chez les patients ayant subi un AVC ;
- une autre famille, les Helicobacteraceae est plus présente dans les modèles post-AVC à 28 jours. Les implications de cette surreprésentation sont encore inconnues ;
- le ratio des Firmicutes / Bacteriodetes est également plus élevé dans les modèles post-AVC. A 14 jours, ce rapport est presque 6 fois plus élevé dans le groupe post-AVC vs groupe témoin. Après 28 jours, le ratio diminue, mais reste le triple de celui du groupe témoin. Un ratio élevé préoccupant car déjà documenté comme en lien avec l'obésité, le diabète et l'inflammation.
L’AVC peut provoquer des anomalies intestinales : sous microscope, les tissus intestinaux de modèles sains ressemblent à une colonie ordonnée de coraux, les branches état des villosités qui augmentent la surface de la paroi intestinale et multiplient la quantité de nutriments qu’elle peut absorber. Dans les modèles post-AVC, le tissu intestinal semble « chiffonné » même un mois post-AVC L’espace est réduit entre les villosités ce qui peut induire une mauvaise circulation des nutriments et compromettre la récupération de l’AVC.
Traiter le cerveau en traitant l'intestin ? C’est la question qui s’impose avec cette augmentation de « mauvaises » bactéries pouvant avoir des effets négatifs sur le fonctionnement et le comportement du cerveau et notamment ralentir ou empêcher la récupération post-AVC. Si la question reste posée, si finalement l'intestin influe sur la réparation du cerveau, peut-être que les traitements de l'AVC ne devraient pas être uniquement axés sur la récupération du cerveau. « Peut-être devons-nous réfléchir à ce que nous pouvons faire pour l’intestin », suggèrent les chercheurs. Par exemple, certaines bactéries intestinales produisent des acides gras à chaîne courte qui affectent le fonctionnement du cerveau. Certains de ces acides gras à chaîne courte sont bénéfiques, et d'autres sont néfastes. Si les bactéries qui produisent de mauvais acides gras à chaîne courte prolifèrent, cela pourrait avoir des conséquences néfastes sur la fonction cérébrale. Faire évoluer le microbiome d'un patient ayant subi un AVC dans une direction plus saine, en utilisant des probiotiques ou des aliments prébiotiques pourrait peut-être contribuer à prévenir le déclin émotionnel et/ou cognitif.
La prochaine étape sera l’étude des changements intestinaux de manière plus approfondie. Tout comme la barrière hémato-encéphalique isole le cerveau du sang circulant ailleurs dans le corps, la barrière intestinale isole l'intestin de son environnement. Les chercheurs souhaitent comprendre comment une brèche dans la barrière intestinale peut affecter le système nerveux central.
La protection de cette barrière est essentielle, en particulier au fonctionnement du système nerveux entérique, une partie du système nerveux périphérique qui comprend l’intestin et qui est souvent appelée …le « second cerveau ».
Source: International Stroke Conference March 2019 12-Mar-2019 WVU researchers explore stroke's effects on microbiome (Visuel Aira Burkhart/WVU)
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